Maintenant que je me suis débarrassé de mon « Je » encombrant, JE JE JE (je n’y échappe pas!), je peux me concentrer sur des sujets autrement plus intéressants. Il vient un temps où l’écriture doit produire plus que sa propre masturbation, qu’elle dépasse la fonction métalinguistique qui lui est assignée (Jakobson, 1963).
Qu’est-ce que je voulais faire en commençant ce projet ? Je parlais dans ma dernière chronique de créer une fissure dans Le Délit ; c’est bien joli, mais une fois la fissure créée, il faut la combler, proposer quelque chose, avoir un projet.
C’était bien le comble de ma chronique, le risque que je prenais (et quel risque ! que d’écrire quelques mots insignifiants dans un coin de journal) en me vautrant dans l’utilitarisme du journalisme. Trouver un sujet. Impératif. Intéressant. Susceptible d’intéresser mon lectorat. Élaborer ma propre théorie de la réception. Prévoir. Trouver un sujet. Être efficace. Ne pas se répéter. Ne pas répéter ce que quelqu’un a déjà dit. Impossible. Alors quoi ? Trouver un sujet. Une forme. Un style. Qui n’est pas le mien. Emprunter. À qui ? Emprunter, est-ce plagier ? L’Université McGill accorde beaucoup d’importance à l’intégrité universitaire, laquelle repose sur le respect mutuel, l’honnêteté, la confiance, l’équité et la responsabilité. Un milieu universitaire sain ne peut prospérer que si les participants aux examens font preuve d’honnêteté intellectuelle et personnelle. Il est donc essentiel que les examens reflètent l’effort personnel de chacun. Trouver un sujet, donc. Être original donc. Les scories qui viennent ponctuer mon discours. Donc, donc. Être absolument moderne. Oui oui bien sûr ! On te croit.
Je suis sur la sellette. Il faut que je parle de quelque chose. En lien avec le sujet de ma chronique accessoirement. Sinon je saute. Il faut être efficace. Impératif. Ne pas se répéter. Trouver un sujet. Être efficace. Original. Réciter le cantique. Être inutile. Se répéter. Trouver quelque chose. S’en sortir.
Je voulais donner un grand cours d’écriture à l’usage de personne. Plus humblement, je me propose de résoudre le conflit des Anciens et des Modernes avec les deux cents mots qui me restent. Ou plutôt celui des Modernes. Du moderne. pas de majuscule. (Ne plus être dans le commentaire de ma propre écriture. Investir mon sujet. Y réfléchir. Déplacer les points de vue. Satisfaire mon lecteur, entre parenthèses. Ne pas désespérer. Ne pas faire comme Hubert Aquin. C’est dangereux. Fermer la parenthèse.)
Le problème du moderne. La modernité est un discours. Il faut se débarrasser du discours de la modernité. Pour en finir avec la modernité.
Ce n’est pas la modernité qui pose problème, c’est notre rapport au contemporain. La difficulté de lire le contemporain dans l’optique de la modernité. Y chercher quelque chose de neuf. Ne pas voir, comme certains, la fin de l’art dans notre contemporain. Exercice difficile sûrement. Ne pas céder.
Je suis étonné par les ressources insoupçonnées du beau. Que lire après Proust ? Après Céline ? Après Joyce ? Après Homère ?
Après ceux-là, on tombe sur Koltès, sur Aquin. Et après ? Un Garneau, Jaccottet, Cailleux. D’autres suivront. Il faut perdre la mémoire de l’avenir. Oui, je serai toujours étonné par les ressources insoupçonnées du beau. Du beau, de mon beau.