Tout commence en 2011, lorsque, sous l’influence du Printemps Arabe engagé par les pays du Maghreb, les Syriens commencent à manifester dans le but de faire basculer le sort du pays resté sous l’emprise autoritaire de la famille Assad depuis deux générations. Le Profil Amina, présenté en première mondiale au festival du film de Sundance et en première canadienne au Rendez-vous du cinéma québécois, raconte l’histoire d’Amina Arraf, jeune révolutionnaire américano-syrienne qui entretient une relation érotique en ligne avec Sandra Bagaria, une jeune française installée à Montréal. Leur correspondance devient quotidienne, et les deux femmes se confient de plus en plus sur leurs sentiments partagés l’une envers l’autre.
Un jour, Amina décide de créer le blog « A Gay Girl in Damascus » [Une fille gaie à Damas, ndlr.], dans lequel elle partage sa vie sous le régime autoritaire installé en Syrie. Elle révèle la violence infligée à la population, les intimidations lancées à sa famille et dévoile son activisme poussé par le désir de voir un jour son pays devenir libre. Sandra suit de près son blog, et l’encourage dans sa révolte contre le gouvernement. Mais un jour, Amina se fait kidnapper en plein centre de Damas par la police secrète syrienne. Les journaux s’emparent vite de l’histoire et révèlent au grand jour le blog de la jeune activiste. Bientôt, Amina se voit projetée en tant que figure de la révolution syrienne et une grande mobilisation internationale voit le jour pour la faire libérer et lui éviter la torture, voire le viol et même la mort.
Des appels à témoins apparaissent pour essayer de contacter sa famille ou proches. Or, au fil des recherches, un doute apparaît : qui est donc réellement Amina ? C’est à ce moment-là que l’histoire bascule : Amina se révèle être un canular, une imposture, une tromperie. Amina n’est pas une jeune femme lesbienne syrienne mais bien un américain quadragénaire hétérosexuel et marié.
Le Profil Amina ; réalisé par Sophie Deraspe, est conduit tel un polar impliquant les services secrets américains, les plus grands médias du monde, et une foule d’activistes et de blogueurs sympathisants des révolutions arabes. Le documentaire prend place aux quatre coins du monde, de San Francisco à Tel-Aviv, en passant par Washington, Istanbul et Beyrouth, renforçant d’autant plus la notoriété internationale qu’avait apportée le blog d’Amina. Le documentaire délaisse alors la révolution syrienne pour s’attarder sur l’influence et le pouvoir – malsain – que peut avoir le monde d’Internet. Sandra peinera à s’en remettre. Elle fait face à Thomas MacMaster, l’homme qui l’a manipulée pendant plusieurs mois sous l’apparence d’Amina. À ces entrevues poignantes viennent s’ajouter une reconstitution sobre de l’histoire ainsi que plusieurs archives visuelles de la révolution syrienne. Le fil conducteur est mené par les messages échangés entre Sandra et Amina et viendra renforcer le désir pervers de l’imposteur sous les traits de la jeune syrienne.
Abordant l’émancipation sexuelle, les relations virtuelles, le conflit syrien et le pouvoir médiatique, Le Profil Amina a le mérite de combiner des thèmes actuels importants sans perdre son spectateur au fil des scènes. Le documentaire lève le voile sur une ère digitale aux effets pervers et destructeurs pour son entourage et le monde entier.