Emblème de la rentrée montréalaise, l’exposition annuelle World Press Photo offre, du 26 août au 27 septembre 2015, une fenêtre sur le monde. Qualifié par Le Devoir d’«électrochoc photographique », l’événement présente les photographies gagnantes de l’une des plus prestigieuses compétitions professionnelles au monde. Cette tradition a débuté en 1955 à Amsterdam et on la compare aujourd’hui aux Oscars de la photo. Ce sont donc parmi 98 000 photographies soumises au jury par 5800 photographes venus de 130 pays que 150 photos gagnantes sont sélectionnées pour être exposées dans des centaines de villes et couper le souffle de ses milliers de visiteurs.
L’exposition frappe le visiteur de plein fouet parce qu’elle démontre des réalités qui semblent lointaines lorsqu’on entend parler aux actualités, mais qui deviennent soudain douloureusement proches quand on se tient devant une photographie. Le visiteur prend une claque, par exemple, lorsqu’il se retrouve planté devant une série sur les populations victimes du virus Ebola en 2014, œuvre qui valut au reporter Pete Muller le 1er Prix Reportages dans la catégorie « Information Générale ».
Le visiteur est également subjugué par la série de clichés, signée Jérôme Severini qui démontre les débris du vol MH70 tombés sur des maisons, détruisant le toît de certains habitants désolés. Les explications qui accompagnent les images font froid dans le dos. On imagine alors un corps toujours attaché à son siège tomber du ciel et atterrir dans sa cuisine. On avait entendu parler de ces épisodes choquants à la télévision pendant deux minutes tous les jours, puis les médias eurent d’autres chats à fouetter. Aujourd’hui, le spectateur montréalais prend son temps pour regarder la photo qui exprime parfaitement la misère de quelqu’un qui a perdu sa maison. Plus loin, une explosion géante immortalisée par l’objectif de Bulent Kilic pour l’Agence France Presse donne elle aussi des frissons. C’est l’épisode terrorisant de la prise de Kobané par les soldats islamistes, à la frontière turque. On se demande ce que faisait ce photographe inconscient si près de l’explosion. Et pendant quelques minutes, on a l’impression d’être à la place du photographe, témoin impuissant de la violence humaine. On est là pour faire un constat.
Grâce au cliché du photographe chinois Ronghui Chen, récompensé du 2e prix « Photos Isolées » en Sujets Contemporains, le public se retrouve face à face avec un travailleur chinois entouré de fumée rougeâtre et protégeant ses cheveux avec un bonnet de Noël. Il fabrique des décorations de Noël mais, d’après le commentaire, l’homme ne sait pas vraiment ce qu’est Noël. Son regard droit croise alors celui du Montréalais, qui se sent piqué d’une pointe de culpabilité. On se dirige alors vers la photo suivante. Le joueur de footbal Lionel Messi fixe la coupe dorée qu’il ne gagna pas l’année dernière dans le cliché de Bao Tailiang, qui remporte le 1er prix « Photos Isolées » pour les Sports.
Le 3e Prix des Projets à long terme est accordé au photographe chinois Lu Guang pour son enquête sur le développement et l’environnement en Chine. Une photo d’un homme en train d’enterrer un bébe dans un champ grisâtre et vide arrête le visiteur. Que peut-on ressentir d’autre que de la désolation quand on est témoin d’une telle scène alors qu’on en est pourtant si loin ? On est mal à l’aise.
On est ensuite révolté par l’exposition annexe organisée par l’Oxfam-Québec à l’étage supérieur : débris au Népal immortalisés par Pascal Rousseau, ou encore la pauvreté et les inégalités sociales aux États-Unis mises en évidence par le reportage urbain de Tamy Emma Pepin. Pour finir, une exposition adjacente nommée Deadline par Will Steacy prévoit la fin de la presse écrite.
L’étudiant mcgillois qui assiste au World Press Photo en sort révolté et ambitieux de changer le monde qui va si mal. On a mal au cœur parce que l’on ne peut pas soigner tous les maux du monde. Pourtant la qualité spectaculaire des clichés et la mise en scène agréable et fluide de l’exposition sont inspirantes. Elle donnent envie de dénoncer.