Il s’était décrit comme « un ouvrier dont la journée ne finit jamais ». La longue journée de Rodin s’est pourtant bel et bien terminée le 17 novembre 1917. Mais elle fût riche !
Le Musée des Beaux-Arts de Montréal (MBAM) nous propose de la vivre nous-même, à travers Métamorphoses. Dans le secret de l’atelier de Rodin. Présentant plus de 300 œuvres, dont de superbes prêts du musée Rodin de Paris, cette exposition est la plus importante que le Canada ait consacré au sculpteur révolutionnaire. En plus de nous faire découvrir des chefs d’œuvre, le MBAM nous propose d’observer leur processus de création. Des moules sont exposés à côté d’œuvres originales et la même sculpture peut être retrouvée dans différents matériaux et différentes dimensions.
Assemblage, fragmentation, agrandissement : tout est expliqué en mots mais aussi en sculpture. Même des dessins, que Rodin définissait lui-même comme la clé de son œuvre, sont affichés.
Les praticiens
Ne sont pas mis en lumière que les matériaux et techniques utilisés. La vie de l’atelier est révélée en intégralité. Une œuvre aussi importante ne peut se faire seule, et Rodin, comme beaucoup d’artistes de l’époque, s’entourait de praticiens pour effectuer les tâches redondantes. Une partie de l’exposition leur rend hommage. Le plus souvent anonymes et pourtant très nombreux dans le lieu de travail que nous découvrons, leurs noms ont été effacés de l’Histoire par la célébrité de cet homme. Celui de la très talentueuse Camille Claudel apparaît de temps à autre, ici et là. Aujourd’hui encore son jaloux amant et maître préfère garder dans l’ombre celle qu’il appela son « praticien le plus extraordinaire ». Pourtant, dans ces salles du MBAM, le travail de ses mains est présent partout autour de nous, comme celui de tous les autres praticiens.
Les mains
Voilà l’obsession de Rodin. Les utiliser pour créer est ce qui le rapproche le plus du divin, ce qui le transcende, ce qui le propulse au-dessus des Hommes. « Dieu est un sculpteur », disait-il. Il n’est donc pas surprenant que l’une de ses œuvres majeures, celle qui trône à l’entrée de cette exposition, ne soit autre que La Main de Dieu elle-même. Cette sculpture est l’apothéose de nombreux autres essais, dont plusieurs exemplaires sont rassemblés dans la première pièce. Main crispée, main inerte, main protégeant le vide…
Le visiteur peut se rendre compte du labeur nécessaire à la création d’un tel chef d’œuvre. Et ce n’est pas le seul qu’il pourra observer. Car le fameux Penseur, représentant le florentin Dante Alighieri qui contemple son œuvre, est l’un des autres invités de marque de cet événement. Les figures de Dante et de sa Divine Comédie sont une source d’inspiration importante pour Rodin. La statue dans sa première forme avait d’ailleurs été créée pour orner la non moins fameuse Porte de L’Enfer, qui reprend beaucoup des neuf cercles de l’Enfer imaginés par le poète dans son livre.
L’omniprésence du Penseur en dit beaucoup sur l’artiste. Sans doute le maître aspirait-il à l’apaisement de sa sculpture, à cet instant hors du temps au cours duquel, tel Dante, il pourrait admirer l’ensemble de sa propre création. Cette exposition est notre chance de faire de même.