Après L’Histoire secrète de James Bond, Stevan Riley réveille une nouvelle fois un monument du passé avec Listen to me Marlon (Écoute-moi Marlon), un portrait inédit de l’acteur américain Marlon Brando. La célébrité, une des plus secrètes d’Hollywood, a constitué une archive personnelle exceptionnelle composée de plus de 200 heures d’enregistrements audio dans lesquels il commente, se rappelle et se confie autant sur sa vie professionnelle que privée. Véritable journal intime d’un homme qui avait choisi de vivre loin de l’attention médiatique tout au long de sa carrière, ces enregistrements sont révélés pour la première fois au grand public plus de dix ans après sa mort. Alors que les images prennent vie au son des réflexions de l’acteur oscarisé, ce documentaire prend résolument des allures de confession posthume.
Brando raconte ses premiers rôles de voyou rebelle et violent qui lui ont valu d’être le plus jeune à obtenir l’Oscar du meilleur acteur, en 1955, pour sa performance dans Sur les Quais, puis de subir de nombreux échecs, avant de connaitre une deuxième consécration pour Le Parrain en 1973. Des extraits de films ne font que confirmer l’effet hypnotique et le charme de cet acteur qui a enchainé les conquêtes. Mais surtout, Brando se raconte lui-même et nous découvrons au fur et à mesure une réflexion à hauteur d’Homme. Il se livre sur son enfance, sa relation avec son père, son image devant les caméras, ses relations amoureuses, les rencontres qui ont marqué sa vie, pour citer quelques exemples. On devine un acteur toujours à la recherche de sens, de réponses, en tentant d’identifier les motivations qui ont guidé ses choix et en exposant son point de vue sur le monde tel qu’il l’a appréhendé par le passé. Le public découvre un homme en quête de vérité, meurtri par des tragédies familiales, mais aussi un homme de conviction, militant, qui usait de sa notoriété pour défendre les minorités noires ou amérindiennes.
« À la fois mausolée et médium de renaissance, le cinéma invite l’immortalité »
Malgré le caractère profondément intime de ces archives, le montage de Riley est subtil, de sorte que nous ne sommes jamais positionnés en voyeurs, mais plutôt comme le public auquel ces mots étaient initialement destinés. Car, chose rare au cinéma, ce sont les images qui magnifient la voix, elles habillent le monologue captivant de Brando et suivent le fil de pensée de l’acteur.
Également, Listen to me Marlon soulève la complexité de la temporalité cinématographique. À la fois mausolée et médium de renaissance, le cinéma invite l’immortalité puisque la projection d’une célébrité à l’écran rappelle sa disparition tout en lui redonnant vie. Tout, dans ce film, relève de la transcendance, notamment l’image de synthèse animée de l’acteur (qu’il avait commandée dans les années 1980) par laquelle le film débute, et dont l’allure fantomatique donne l’impression qu’il renaît à l’écran, devant nos yeux, et justifie qu’il soit à présent capable de faire entendre sa voix dans le monde des vivants. Alors, peut-être que les enregistrements de Marlon étaient la preuve la plus sincère de son âme d’acteur de cinéma, celle qui s’acharne à défier le temps, à laisser une trace, en quête d’existence éternelle.