Habemus papam, et il a compris bien des choses. Six mois avant la COP21 de Paris, le Pape François a publié une encyclique, Laudato si, dans laquelle il aborde le sujet de l’écologie comme peu ou pas de pontifes auparavant. Au cours des dernières décennies, ses prédécesseurs avaient mentionné l’impératif écologique (parfois), ses causes anthropiques (rarement).
François dénonce un « défi urgent » et fait appel à tous, sans distinction de religion, pour « sauvegarder notre maison commune ».
Un geste radical
Le pape dénonce la « faiblesse de la réaction politique internationale », et encourage par conséquent à développer des institutions mondiales « plus fortes et efficacement organisées » pour lutter contre le réchauffement climatique. En outre, il aborde le sujet compliqué de la dette écologique, celle des pays développés envers les pays en développement, qu’il décrit comme « liée à des déséquilibres commerciaux ». Plus loin, il insiste sur le fait qu’il n’y aura pas de changement écologique sans l’intégration d’une perspective sociale, qui prenne en compte les droits des plus défavorisés, souvent les plus vulnérables face aux catastrophes naturelles et autres désastres liés au réchauffement climatique. Il faut prendre en compte le rapport fondamental entre l’environnement, l’économie, et la société pour soigner et rééquilibrer la planète.
Encourager la décroissance
Le souverain pontife conclue que pour redresser la situation, on ne pourra se contenter d’un compromis entre développement économique et lutte contre le réchauffement climatique. Le mot clé ici est « sobriété ». Le pape appelle à un changement radical de mode de vie, de consommation et de production : « La sobriété, qui est vécue avec liberté et de manière consciente, est libératrice. […] Le bonheur requiert de savoir limiter certains besoins qui nous abrutissent […]».
Alors que les justes milieux ne font que retarder l’échéance, il nous faut, dit-il, réfléchir à une nouvelle définition du progrès. Il s’agit d’évaluer notre rapport à la technique moderne. Malgré le fait qu’elle ait permis de grandement augmenter nos conditions de vie ces derniers siècles, elle est devenue l’objet d’un culte qui donne aux Hommes l’impression d’un pouvoir sans fin sur leur habitat. Pire encore, la technique est devenue l’essence même du bonheur. Laudato si invite donc les Hommes à changer de regard sur la nature, à revoir sa valeur et à la protéger.
Laisser parler la religion ?
L’encyclique a provoqué des réactions négatives chez certains groupes conservateurs chrétiens, et surtout de la part des climato-sceptiques. Ces derniers ne nient pas nécessairement la réalité du réchauffement climatique, mais ses origines anthropiques. Parmi ces critiques, plusieurs hommes politiques républicains (et catholiques) aux États-Unis ont exprimé leur désaccord, pressant le pape de laisser la science aux scientifiques et la politique aux politiciens. Voilà un argument qui n’apparaît pas quand il s’agit de condamner l’avortement…
Le pape s’adresse non seulement à la population chrétienne, mais aussi au reste de l’humanité. On pourrait discuter du vrai impact de ce message universel, de l’influence réelle de François sur les individus ou sur la politique internationale. Néanmoins, l’encyclique a fait du bruit, surpris, fait réfléchir, provoqué des débats. Elle encourage un dialogue entre la science et la religion, et de plus grande envergure encore, pour chercher une révolution de nos modes de vie.