« Bon après-midi », s’est exclamé le chauffeur. « Voulez-vous une bouteille d’eau ? Un bonbon pour la petite fille à l’arrière ? » La voiture était neuve et bien soignée. Prudemment, notre conducteur s’est dirigé vers le centre-ville de Montréal. À la fin de notre course, je n’ai pas bien compris. Pas de paiement par espèce ? Ma mère m’a expliqué que non, le paiement est enregistré automatiquement sur son compte. On a ainsi pu quitter le véhicule en échangeant simplement des remerciements. C’était ma première expérience avec UberX, l’alternative au taxi qui transforme l’industrie du transport. Uber, toujours controversé, nous accueille avec les bras ouverts—pourquoi devrait-on lui tourner le dos ?
Une guerre contre les taxis
Lancé à Montréal pour la première fois en novembre 2014, Uber continue de dépasser les attentes du marché. Mais seulement deux ou trois semaines après le lancement, Denis Coderre, le maire de Montréal, a dénoncé le service. Où est la controverse ? Le problème, selon la mairie de Montréal, est qu’Uber opère essentiellement comme un service de taxi, mais qu’il le fait sans permis. Les permis exigés pour les chauffeurs de taxi traditionnels peuvent coûter jusqu’à 250 000 dollars, selon La Presse, tandis que les chauffeurs et les usagers d’UberX ne paient ni permis ni impôt. Pas étonnant que les chauffeurs de taxi ne soient pas précisément heureux de cette concurrence.
À Montréal, le service est officiellement dénoncé et illégal, mais rappelez-le aux chauffeurs d’Uber et ils vous souriront au nez. La loi est rarement appliquée, et quand bien même un véhicule d’Uber serait mis à l’amende, Uber paierait la pénalité. Ailleurs, l’histoire est la même. Uber s’est rapidement installé dans 250 villes, situées dans à peu près 50 pays. Pour la plupart, il est toléré, même si les différents gouvernements surveillent le service avec intérêt. En Europe, quelques pays, dont l’Espagne et la France, en sont même arrivés à tout bonnement interdire le service. Berlin et Hambourg l’interdisent aussi. Les plaintes de chauffeurs de taxi résonnent dans de nombreuses villes autour du globe, et les manifestations sont fréquentes.
Les taxis dans la rue
Cette polémique est loin de se calmer. La semaine passée, 3 500 taxis ont conduit vers l’aéroport Trudeau de Montréal à basse vitesse, pour essayer de montrer à Québec que la législation contre les transports alternatifs devrait être encadrée. De pareilles manifestations à Ottawa ont eu lieu cette semaine. La réaction des dirigeants est mixte : le 20 août dernier, M. Coderre a annoncé à la presse une « intensification de la lutte contre le transport illégal ». Mais la même journée, il a admis qu’«à Montréal, comme partout dans le monde, on a besoin d’encadrement où tout le monde travaille sur le même pied ». Sur le même fil, Bill de Blasio, le maire de New York, a récemment annulé l’idée d’une limite sur le nombre de voitures d’Uber dans la rue. Le vent change-t-il enfin de direction ? Est-ce que le gouvernement réalise l’erreur commise en tentant d’interdire le service ?
Au Canada, on a un gouvernement qui sert à protéger nos libertés et qui est mandaté pour maintenir la grande machine du marché bien huilée. Ici, on voit un ralentissement de l’économie et un ralentissement du progrès, à cause d’une industrie historiquement inefficace qui utilise les réglementations du gouvernement pour résister contre l’évolution. Oui, Uber a besoin d’une réglementation plus claire et plus juste, et oui, à l’instar de chaque nouvelle technologie, cette nouvelle évolution vient avec son lot de problèmes à régler. Mais nous pouvons être confiants que ce service moins cher et moins formel nous embarque, prudemment et soigneusement, vers le futur.