Le 14 août dernier Straight Outta Compton du réalisateur américain F. Gary Gray sortait au cinéma. Produit par Ice Cube, Dr. Dre –deux des parrains de la scène hip-hop– et la veuve d’Eazy E, Tomica Woods-Wright, le film a pour projet ambitieux de raconter l’histoire du groupe légendaire N.W.A (Niggaz Wit Attitude). Ce groupe de rap américain créé en 1986 par Dr. Dre, Ice Cube, Eazy E, Mc Ren, et Dj Yella est l’un des principaux précurseurs du genre musical gangsta rap.
Le film retrace les débuts des N.W.A, son ascension, la tournée nationale, mais aussi le déclin du groupe et enfin sa séparation. Il présente aussi les carrières solo d’Ice Cube et Dr. Dre, ainsi que les problèmes personnels de chacun, avant de finir sur la mort d’Eazy E en 1995. Straight Outta Compton parvient à raconter non seulement l’histoire du groupe et de ses membres, mais aussi le contexte social dans lequel ils ont évolué.
Straight Outta Compton, c’est plus qu’un film sur la musique. C’est aussi un film de société, qui montre le quotidien de jeunes hommes noirs vivant dans une communauté défavorisée aux États-Unis à une époque où le racisme était omniprésent seulement 20 ans après l’abolition de la ségrégation officielle du pays. En effet, le long-métrage raconte l’histoire d’une Amérique divisée, où la brutalité policière est une réalité pour beaucoup trop de jeunes. On pense à la scène marquante où Ice Cube, en rentrant chez lui, se fait menotter très violement devant ses parents. Son crime ? Être de la mauvaise couleur de peau et sortir dans la rue au moment où la police décide de faire une descente dans le quartier de Compton. Le film évolue autour de ce thème récurrent de la violence policière avec comme point culminant les émeutes de 1992 à Los Angeles.
Une Amérique divisée, où la brutalité policière est une réalité pour beaucoup trop de jeunes.
L’organisation chronologique du film nous permet vraiment de suivre le fil de l’histoire, ce qui donne le temps de nous attacher aux personnages, de les comprendre. Ils nous font rire et pleurer, on a peur pour eux, on les soutient, et on découvre le point de vue de personnes régulièrement effacées de la sphère médiatique. Le film donne une voix aux Afro-Américains, une voix qu’on leur a trop souvent enlevée.
La bande son du film est essentiellement composée de l’album Straight Outta Compton, premier et seul album de N.W.A : une raison de plus de voir ce film biographique ! En effet, à une époque où le rap était vu comme une musique de gang, une musique peu sérieuse qui glorifie la violence et les drogues, N.W.A brisait les codes et sortait des textes francs, violents et de qualité. Chaque chanson raconte une histoire. Le spectateur comprend comment la chanson « Fuck Tha Police » a été imaginée, la symbolique de « Straight Outta Compton », ou encore la façon dont Eazy E est passé de promoteur à l’un des rappeurs emblématiques du groupe. Mais tout ne s’arrête pas là : le film met aussi en scène des chansons emblématiques des années 90 produites par Dr. Dre telles que « Just a G thing » avec Snoop Dogg, ou encore « California Love » avec Tupac.
Straight Outta Compton n’est donc pas seulement un film pour les amateurs de rap, mais un film qui utilise la musique pour rappeler aux spectateurs que la lutte contre la brutalité policière continue toujours aujourd’hui. Ce long-métrage reste un moyen de parler de problèmes qui touchent encore une grande part de la population, car ce que Dr. Dre, Ice Cube et Eazy E dénonçaient il y a plus de vingt ans est malheureusement toujours condamnable aujourd’hui.