Après plus de six ans de déficits, l’année 2015 marquera la réussite du pari du gouvernement conservateur de Stephen Harper : renouer avec l’équilibre budgétaire, un an plus tôt que prévu. En effet, contre toute attente, le 14 septembre dernier, le Ministère des Finances a dévoilé un surplus de 1,9 milliards de dollars sur la période 2014–2015, qui s’est terminée le 31 mars dernier.
Dans un communiqué de presse, le premier ministre Harper, se félicite de ce renouement avec l’équilibre budgétaire, dû à sa saine gestion des dépenses.
Le gouvernement conservateur avait prévu un déficit de plus de 2 milliards de dollars pour l’exercice financier 2014–2015, qu’aurait suivi un surplus de 1.4 milliard de dollars pour l’année suivante. Après deux trimestres d’incertitude économique, c’est sous le spectre d’une récession que l’année fiscale a débuté. Dans ce cas‑là, comment expliquer un surplus aussi important pour le Canada ?
À quelques jours de la fin des élections, il est plus que jamais nécessaire de bien comprendre la valse des conservateurs pour réussir un tel exploit et se proclamer les champions de l’économie.
L’utilisation du fond de contingence du Canada
La chute des cours du pétrole de cet été a démontré la dépendance de l’économie canadienne à l’or noir. Les pertes causées par cet effondrement sont évaluées à plus de 6 milliards de dollars. Si le prochain gouvernement ne change pas de politique vis à vis son apparente dépendance au pétrole, cette dernière pourrait s’avérer catastrophique pour le Canada dans les années à venir. Pour éviter un déficit budgétaire en cette année d’élections, le Ministre des Finances est donc allé piocher directement dans le fond de contingence du Canada.
Doté de 3 milliards de dollars, le fond de contingence du Canada est un fond d’urgence qui a été mis en place pour aider le pays à faire face à des situations d’urgence ou des imprévus tels qu’une crise économique ou une catastrophe naturelle de grande envergure. Cet hiver, le Ministre des Finances fédéral, Joe Oliver, a annoncé une réduction de 2 milliards de dollars sur les trois prochaines années du fond de contingence du Canada.
Dave Walsh, un spécialiste de la fiscalité et partenaire chez Ernst & Young, explique dans un article du Ottawa Citizen que, si le gouvernement conservateur n’avait pas touché au fond de contingence Canadien pour boucler son budget, ça aurait plutôt été un déficit de 600 millions de dollars auquel le gouvernement conservateur aurait dû faire face. En piochant dans ce fond d’urgence, Ottawa a pu éponger une partie de son déficit.
De plus, au printemps dernier, la vente des dernières actions du gouvernement canadien dans General Motors (GM) a rapporté 4.2 milliards de dollars à Ottawa.
Il est aussi important de mentionner qu’en 2014 les enchères pour certaines bandes du spectre hertzien entre les grand groupes de télécommunications du pays ont permis au gouvernement d’empocher 5.27 milliards de dollars. L’enchère précédente, pour l’année fiscale 2007–2008, avait permist à Ottawa de toucher 4.3 milliards de dollars ainsi que d’atteindre une dernière fois l’équilibre budgétaire avant cette année.
Quelles sont les priorités du gouvernement ?
Le gouvernement conservateur a prévu une réduction de 21% de la prime d’assurance-emploi qui passera de 1.88% (soit 1.88$ pour 100$ de revenu) en 2016 à 1.49% en 2017. Depuis 2010, plus de 26 000 d’emplois dans le secteur public fédéral ont été supprimés par la capitale, soit une réduction de près de 10%
Entre temps, Harper prévoit d’allouer plus de 360 millions de dollars supplémentaires pour combattre l’État IslamiqueI au Moyen-Orient. Cet argent servira à renforcer les troupes déjà sur place en Irak ainsi qu’à fournir un soutien à l’armée américaine lors de frappes aériennes. Il est à noter que ce renforcement de la présence canadienne au Moyen-Orient s’est effectué sans le consentement des canadiens et constitue un schisme politique avec les modérés et pacifistes canadiens. De plus, l’engouement des conservateurs pour les interventions militaires a eu des conséquences considérables sur la réputation du Canada à l’international. Le pays s’est ainsi vu refuser un siège au Conseil de Sécurité de l’ONU en 2010, une première dans l’histoire canadienne.
Au cours du règne conservateur, l’impôt des entreprises a subit une réduction de 7% pour atteindre un maigre 15% en 2014, réduisant par conséquent cette source de revenus pour Ottawa. Raisonnablement, la dette canadienne, quant à elle, a augmenté de plus de 120 milliards depuis 2006 pour s’établir à 613 milliards dedollars ; un record dans l’histoire économique canadienne.
Excédents trompeurs
Bien qu’en pratique souhaitables, les excédents budgétaires imprévus sont néfastes pour la crédibilité d’Ottawa auprès de ses créanciers et de ces citoyens. Plus encore, ils minent le processus démocratique en place car ils limitent le temps accordé aux parlementaires pour débattre de l’utilisation de ces fonds, qui sous un gouvernement conservateur sont alloués aux dépenses militaires plutôt qu’aux programmes sociaux.
En vendant ses actions de GM et en puisant dans le fonds de contingence canadien, le gouvernement a peut-être joué ses dernières cartes cette année. S’ils sont réélus, les conservateurs n’auront plus rien à vendre pour les aider à boucler leur budget, et ils devront faire face à la dure réalité.
En refusant d’admettre la fragilité de l’économie canadienne et sa dépendance au pétrole, ce gouvernement fait preuve d’un entêtement dangereux et sans précédent qui pourrait compromettre le futur économique du pays et des générations à venir.
Somme toute, ce surplus budgétaire n’est aucunement le résultat d’une gestion saine des ressources canadiennes, mais plutôt celui d’un jeu malsain de politiques économiques électoralistes et trompeuses qui n’ont d’autres objectifs que la réélection du gouvernement conservateur. Il est temps de mettre fin à cette imposture.