La plus longue campagne électorale fédérale du l’histoire du Canada en est à son dernier souffle. Alors que nous sommes dans la dernière ligne droite, l’issue du scrutin semble difficile à déterminer, bien qu’une bataille serrée à trois se dessine très clairement. De nombreux thèmes ont été abordés par les différents partis en campagne. Qu’en est-il de la situation des communautés autochtones ?
Le double discours de Stephen Harper
Les débats dans les médias se polarisent autour de la question du niqab, qui aurait profité aux Conservateurs. De nombreux électeurs sont allés voter appareillés de sacs de patates ou de masques de clown pour manifester leur opposition aux femmes qui prêtent serment au pays le visage voilé. Pourtant, une minorité de femmes portent le niqab, une cinquantaine au Québec selon le spécialiste des religions Frédéric Castel dans un article à La Presse de Rima Elkouri. On ne peut donc que dénoncer l’instrumentalisation de cette question dont on discute sans demander leur avis aux principales intéressées. Francis Dupuis-Déri en a parlé de manière très éloquente dans Le Devoir récemment. Le plus contradictoire est le fait que le gouvernement fédéral se positionne en grand défenseur des droits des femmes, alors que jour après jour, il failli à sa tâche et à sa responsabilité d’agir pour stopper le « féminicide » (terme utilisé par la journaliste Emmanuelle Walter dans son livre Sœurs volées, ndlr) qui se déroule actuellement sous nos yeux dans une indifférence quasi généralisée.
Une violence systématique, raciste et sexiste
Selon Statistique Canada (2009), les femmes autochtones sont deux à trois fois plus susceptibles d’être violentées que leurs consœurs non-autochtones. Toujours selon la même source, près de deux tiers de ces femmes victimisées ont moins de 35 ans. Le constat est clair : les femmes autochtones subissent une violence qui est à la fois sexiste et raciste, due à la colonisation et à une oppression systémique. Elles sont aussi en danger en raison de leur style de vie précaire (plusieurs communautés dénoncent le fait de ne pas avoir d’eau potable, entre autres).
Des pistes de solutions
Plus tôt cette année, la commission Vérité et Réconciliation du Canada a rendu public son rapport. Ses conclusions sont sans équivoque : le Canada a commis un génocide culturel envers les communautés autochtones. La Commission y est allée de 94 recommandations afin d’amorcer le processus de guérison. Or, la partie n’est pas gagnée. Bien que Stephen Harper se soit excusé en 2008 pour les pensionnats autochtones, il persiste à ne pas déployer les efforts nécessaires et sincères pour renverser la situation.
Le silence conservateur a motivé une prise de conscience chez ses concurrents. Lysane Blanchette-Lamothe (Nouveau Parti démocratique) et Francis Scarpaleggia (Parti libéral), lors d’une récente réunion du Club Universitaire de l’Université pour Femmes de Lakeshore (Montréal Lakeshore Women’s University Club, ndlr) ont déclaré que si leurs partis respectifs remportaient une élection, ils mettraient en application les 94 recommandations de ladite commission ainsi qu’une enquête publique sur les femmes autochtones assassinées et disparues.
Des voix qui s’élèvent
Pour rétorquer à l’inaction conservatrice, des internautes de la communauté d’Iqaluit ont lancé une campagne via un hashtag sur le web « DoIMatterNow ?» (« Suis-je important maintenant ?», ndlr).
Amnistie Internationale invite également la population canadienne à signer sa pétition réclamant une enquête publique sur les disparitions et les assassinats des femmes autochtones. Les organisatrices de la Marche mondiale des femmes 2015 ont également décidé d’en faire un enjeu de premier plan. Même Miss Univers Ashley Callingbull-Burnham, la première femme autochtone à porter ce titre, utilise la visibilité dont elle jouit actuellement pour mettre de la lumière sur les problématiques auxquelles font face les gens de sa communauté, une prise de position ayant eu des échos un peu partout.
Espérons qu’à force de bruit et de travail, ces voix parviendront à renverser l’inertie actuelle. On en a assez de l’inaction et de l’indifférence quand on parle des communautés autochtones.