Vendredi dernier, dans le cadre du cycle « La Roumanie vue par ses films », qui se déroule du 24 septembre au 30 octobre 2015, la Cinémathèque québécoise a diffusé le film Boogie de Radu Muntean (2008). C’est ce troisième long-métrage qui a permis à ce réalisateur de s’imposer comme l’une des figures centrales de la Nouvelle Vague roumaine, un phénomène qui semble devoir son nom à un certain « minimalisme » imposé par des contraintes budgétaires plutôt qu’à l’existence d’un mouvement artistique à proprement parler.
Et pourtant, on ne peut s’empêcher de remarquer une parenté entre les films de cette « nouvelle vague » pour peu que l’on compare quelques titres issus d’une production qui a connu une véritable reconnaissance internationale, tels que La Mort de Dante Lazarescu (2005), California dreamin’ (2007) et le plus célèbre 4 mois, 3 semaines, 2 jours (2007).
Est-ce pour compenser la sobriété des décors que les répliques sont traversées de pointes de sarcasme souvent désopilantes, au point où les personnages ne semblent plus pouvoir s’échanger des banalités avant le petit déjeuner sans s’engueuler un peu ? Ce type d’humour est certainement présent dans Boogie. Le titre du film se réfère au surnom que le protagoniste Bogdan (Dragos Bucur), avait reçu de la part de ses camarades de lycée. Bourreau de travail, ce dernier croise inopinément des amis qu’il n’avait pas revu depuis des années dans une station balnéaire où il célébrait la fête du travail en compagnie de sa femme enceinte et de son fils de quatre ans. Cette rencontre suffit à provoquer une dispute conjugale lorsque son épouse lui reproche de passer l’un de ses rares moments de détente à boire avec ses copains plutôt qu’à s’occuper d’elle et de son fils. Par la suite, ses critiques acerbes incitent Boogie à rejoindre de nouveau ses amis dans une boîte de nuit, où l’un d’entre eux réussit à trouver une prostituée qui accepte de passer le reste de la nuit en leur compagnie.
L’inconvénient d’une telle présentation est qu’elle a pour effet de mettre l’accent sur le caractère stéréotypé des situations, sans parvenir à capturer cependant la façon dont les personnages s’approprient ces stéréotypes pour mieux les détourner. On pense par exemple au moment où Bogdan reproche à sa femme de se comporter en « épouse », ce qu’elle se défend d’être (« s’il te plaît, ne m’appelle pas épouse »). Ou encore aux propos anodins que Boogie échange avec son ami Penescu pendant que Lordache fait ce qu’il a à faire avec la prostituée, et vice-versa. En fin de compte, c’est sans doute ces déviations, ainsi que le naturel de ces scènes, qui font l’intérêt de Boogie.