Récompensé au Festival du Film de Sundance 2015 et au Festival International du Film de Berlin en 2015, Une seconde mère, était présenté au Cinéma du Parc dans le cadre de son neuvième festival du film brésilien. Quatrième film de la réalisatrice brésilienne Anna Muylaert, cette comédie dramatique explore avec virtuosité et intelligence les fractures sociales brésiliennes.
Après dix ans d’absence, Val, employée de maison dans une famille aisée de São Paulo, retrouve sa fille Jessica qu’elle n’a pas pu élever. Cette dernière, venue passer le prestigieux concours d’entrée à la faculté d’architecture, découvre avec des yeux critiques l’univers dans lequel sa mère biologique évolue. À travers son rejet des conventions qui l’enferment dans un statut de citoyenne de seconde classe, sa présence remet en question la ségrégation spatiale et l’exclusion économique dont les deux femmes sont les victimes.
Tableau social
Si Une seconde mère reprend des éléments classiques de la comédie, c’est avec un humour amer et percutant que la réalisatrice explore des problématiques contemporaines persistantes dans la société brésilienne. Anna Muylaert examine avec talent et originalité le thème des divisions sociales, jetant un regard ironique sur une société aux frontières sociales aux apparences impénétrables. Une société dans laquelle des classes sociales distinctes coexistent sans jamais se mélanger. Muylaert adopte une vision unique de cette société brésilienne, illustrant la violence d’un univers où un employé peut être « presque de la famille », et cependant être constamment relégué à un statut inférieur. Le tour de force de Muylaert réside sûrement dans sa capacité à explorer ce sujet en profondeur, signant une fable sociale percutante sans jamais tomber dans le misérabilisme.
Sur fond de critique sociale, Une seconde mère est également une œuvre poétique, traitant avec une sensibilité lucide le thème de la filiation. Porté par un quintuor d’acteurs excellents, le film se distingue par la performance remarquable de ses actrices principales, Regina Casé et Camila Márdila. À travers ce duo captivant, Anna Muylaert invite le spectateur à remettre en question toute notion réductrice de la filiation. Esquissant au contraire son caractère pluriel (biologique, émotionnel culturel) Une seconde mère explore avec tendresse les multiples manières de conceptualiser la parenté.
Critique révolutionnaire ?
« Tout ce que je dis dans ce film est très provocant pour les Brésiliens », expliquait la réalisatrice au journal français Télérama en juin 2015. En mettant en scène les divergences générationnelles et la détermination de ses personnages à remettre en question les inégalités sociales de la société brésilienne, on reconnaît dans la dernière œuvre d’Anna Muylaert une portée révolutionnaire. Au delà de son statut d’œuvre à l’esthétique soignée, Une seconde mère est également une réflexion sur la possibilité de déconstruire les systèmes de domination sociale en changeant notre perception et en revendiquant son statut de citoyen à part entière.
Illustrant les métamorphoses sociales du Brésil avec pour langage un humour acerbe, sans jamais passer sous silence la gravité du sujet, Une seconde mère est une œuvre incisive à la portée résolument universelle.