Ce dimanche prenait fin la série d’événements « Trans/Formations », organisée par l’Union pour la Valorisation du Genre (The Union for Gender Empowerment – UGE), dans le but d’établir une discussion critique sur l’expérience des individus trans* et leur militantisme (l’astérisque a pour but d’inclure une diversité d’identités de genre – fluides ou fixes – qui ne se retrouvent pas nécessairement dans la catégorie binaire trans-homme ou trans-femme).
Le premier atelier, qui s’est déroulé dans la matinée du vendredi 6 novembre, est loin d’avoir rassemblé les 30 participants prévus sur Facebook. La discussion à six qui s’y est tenue aurait pourtant mérité d’être entendue – notamment par ceux pour qui « transgenre » n’évoque que le vague souvenir de Caytlin Jenner sur la couverture de Vanity Fair. Il est certain que la plus grande visibilité des personnalités transgenres aujourd’hui dans les médias est une source d’inspiration importante pour tous les membres de la communauté trans*. En effet, des modèles de réussite tels que Caitlyn Jenner ou Laverne Cox (Orange Is The New Black) viennent redonner espoir aux personnes trans* pour qui le quotidien est souvent synonyme de discrimination et de violence dans la sphère publique et privée.
« Trans/Formations » radicales
La visibilité médiatique est toutefois regardée avec méfiance par les trans-féministes de UGE. Pour eux, la bataille se livre sur un autre front. Leur approche radicale est notamment partagée par Joshua Allen, activiste pour la cause trans* et descendante d’une famille ayant appartenu au mouvement révolutionnaire afro-américain des Black Panthers, qui est venue animer une conférence vendredi soir dans la salle du Comité d’éducation aux adultes (CEDA) intitulée « Un monde sans cages : ré-imaginer le genre, l’abolition et la résistance ».
Contrairement à la lutte actuelle du mouvement LBGT aux États-Unis, qui cherche à faire de l’armée une institution ouverte aux trans*, une politique radicale serait plutôt d’abolir l’institution militaire. En effet, selon Allen, la vision libérale qui promeut l’«égalité » et l’assimilation des trans* au sein des institutions étatiques (armée, police, etc.) n’est pas la solution pour mettre fin aux normes « cis-sexistes », qui marginalisent les individus trans* et privilégient ceux dont le genre correspond au sexe attribué à la naissance. Au même titre que davantage de femmes en politique ne se traduit pas nécessairement par une politique moins patriarcale, l’entrée de personnes trans* dans la police ou l’armée paraît insuffisante pour réformer la structure et les valeurs de ces institutions.
Une « situation d’urgence »
Comme l’explique Joshua Allen, être trans* et militer c’est faire face à une « situation d’urgence » quotidienne. Les communautés trans*, par leur vulnérabilité, sont confrontées à des actes de violence parfois mortels.
Le combat quotidien pour des activistes tels qu’Allen est donc de sensibiliser sur les structures particulièrement oppressives envers les personnes trans*. C’est notamment le cas du milieu carcéral. Les trans* femmes se retrouvent souvent dans les espaces dédiés aux hommes, et vice-versa.Par la suite, les trans* subissent fréquemment humiliations, rejets, violences sexuelles, mais aussi le refus des administrations pénitentiaires de prescrire des traitements hormonaux. S’attarder sur ces expériences permet de circonscrire des efforts à mener pour répondre à l’urgence de ces situations inhumaines.
Historiquement, les personnes trans* sont pourtant loin d’avoir subi passivement les violences trans-phobiques qui découlent du « cis-sexisme » ambiant, nous rappelle Joshua Allen. Les émeutes de Stonewall en 1969 sont généralement représentées comme un mouvement mené par et pour les homosexuels. Toutefois, les trans*, notamment de couleur, ont joué un rôle clef dans l’organisation de ces manifestations légendaires, ce que l’histoire semble oublier. Se ré-approprier cette histoire de la résistance trans* constitue entre autres une étape obligée pour l’émergence de solutions plus justes, voire radicales.