Présenté au Festival du Nouveau Cinéma et sorti à Montréal le 23 octobre 2015, Anna est un film québécois réalisé par Charles-Olivier Michaud. Il met en scène l’actrice française Anna Mouglalis dans le rôle d’une photo-journaliste française : Anna. Le film débute alors qu’Anna est en voyage à Bangkok pour un reportage. Elle infiltre un réseau de trafic humain et de prostitution dans le but de dévoiler la vérité ou du moins, comme elle le dit, une vérité. C’est alors qu’elle se fait enlever par des membres de ce même réseau et subit les atrocités qu’elle cherchait à documenter jusqu’alors : viol, maltraitance, torture. Après deux semaines, elle est relâchée et rapatriée à Montréal. S’ensuit un long chemin vers la reconstruction physique et psychique, sur laquelle se concentre le film.
Anna n’est pas un film de dialogues. Pour rendre compte de la reconstruction de son personnage éponyme, tout est transmis par le biais d’images et de symboles. En effet, puisqu’Anna ne peut extérioriser son enlèvement ni mettre des mots sur ce qu’elle a vécu, elle se réfugie dans la photographie. Comme le dit Charles-Olivier Michaud, le réalisateur du film : « elle doit tout réapprendre ». En tant que spectateur nous n’avons, nous non plus, pas accès à une extériorisation ou aux détails de son expérience et de ses sentiments. Nous devons nous laisser porter par les images et au fur et à mesure découvrir toute l’atrocité de son enlèvement et accepter, avec elle, que cela fasse partie de son histoire. Ainsi, si le film nous paraît parfois un peu lent, il s’agit d’un parti pris du réalisateur qui cherche à faire un film qui montre et fait ressentir plutôt qu’un film qui explique.
Et si c’était nous ?
Bien qu’Anna soit un film qui nous sensibilise aux problèmes du trafic humain en Asie, la majorité du film se focalise sur le processus de reconstruction de la journaliste française. L’atrocité de son expérience n’est pas remise en question. Cependant, il ne faut pas oublier que son expérience n’est rien d’autre que le quotidien de milliers de femmes en Thaïlande, qui n’ont, elles, aucune issue de secours. Pourquoi alors, le seul fait que cela arrive à une occidentale, à quelqu’un comme « nous », mérite qu’un film lui soit dédié ? Ce problème est directement posé à la fin du film. En effet, si Anna décide enfin de raconter son enlèvement par écrit, elle explique qu’elle le fait pour toutes les femmes victimes du trafic humain. C’est en leur nom qu’elle décide enfin d’extérioriser et de partager son expérience. Et si elle choisit de raconter sa propre histoire et non la leur c’est parce qu’elle sait que : « moi, Anna Michaud, je suis vous ».
« Son histoire pourrait être mon histoire, votre histoire. »
Ainsi le film aborde directement un problème propre à nos sociétés occidentales : un intérêt superficiel voire un désintérêt pour les problèmes qui touchent des gens différents. Si l’on s’intéresse à l’histoire d’Anna c’est parce qu’elle fait partie du « nous », son histoire pourrait être mon histoire, votre histoire. Le film nous oblige alors à sortir de notre petit confort, et à réellement nous exposer et nous positionner face aux vrais problèmes qui touchent la communauté humaine, bien que ces êtres humains en question soit à des milliers de kilomètres.