À l’heure de la loi Macron et de ses premiers effets sur l’économie française, il semble plus qu’adapté de se livrer à une brève analyse de la vie économique française. Avec un taux de chômage avoisinant les 10% au deuxième semestre 2015 et une croissance inférieure à 1%, la morosité de la vie économique française pousse à quelques peu « innover » en explorant des terrains jusqu’à présent inconnus.
Les piliers de la loi Macron
Tout d’abord, commençons par un rappel du but de la loi Macron. Cette loi comporte trois objectifs : la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Parmi des exemples plus concrets, on peut retenir la libéralisation des lignes de cars qui permettront de faire concurrence à la SNCF (Société Nationale des Chemins de Fers français, ndlr) et donc de baisser les prix, plus de souplesse dans l’ouverture des commerces le dimanche et la nuit pour faciliter la consommation et une réforme du permis de conduire en confiant à des sociétés privées les épreuves du code de la route (dans l’espérance de diviser les délais actuels par deux).
Par conséquent, ses trois grands principes sont libérer, investir et travailler. Une loi alléchante et ambitieuse, mais derrière ses termes élogieux se cache un débat de société beaucoup plus profond. Dans les trois grands principes énoncés précédemment, le premier fait réagir : « libérer ». C’est un mot qui fait peur dans un pays où l’étatisme fort perdure depuis des siècles. « Libéraliser », les institutions supranationales telles que l’Organisation Mondiale du Commerce, le Fonds Monétaire International, ou encore le Parlement européen, n’ont que ce mot à la bouche, avec pour but la promotion du libre-échange et un marché concurrentiel où le gouvernement intervient au minimum.
Même si ce modèle séduit les pays anglo-saxons, la France n’est nullement obligée de marcher dans leurs pas. Dans un pays où le gouvernement régule la majorité des aspects de la vie économique, le libéralisme peut sembler tentant mais il n’est point dans nos mœurs et notre culture. Comme dirait Eric Zemmour, polémiste à succès, « nous ne sommes pas des Anglo-saxons ». Cette phrase, qui paraît naïve à première lecture, montre en réalité une identité nationale construite au fil de l’Histoire. Cet étatisme à la française illustre le besoin du peuple de sentir le gouvernement proche de lui en comptant sur lui pour la santé, l’éducation, les transports, les aides sociales… Les exemples sont nombreux et ils datent du début du 19e siècle. Lorsque l’empereur Napoléon arrive au pouvoir, on assiste à la création des mairies, des préfectures, des voies de chemins de fer, d’une Banque de France pour réguler la vie économique du pays. Des créations qui montrent la volonté du gouvernement de servir le citoyen, et que ce dernier peut se fier à lui. Autre exemple, la France et sa capacité à lever l’impôt. Le fait qu’ils soient élevés ne date pas d’hier, le gouvernement de l’Hexagone a toujours su redistribuer la richesse collectée en taxes.
Un libéralisme audacieux
Depuis la crise financière de 2008, l’heure des réformes a sonné, mais la voie du libéralisme est-elle la seule ? Peut-on envisager un libéralisme à la française loin de celui pratiqué par les pays anglo-saxons ? Le Canada a su faire preuve de pragmatisme en confiant plus de libertés aux entreprises tout en conservant une structure sociale digne d’un État-providence. Un mélange audacieux qui semble fonctionner : un impôt sur les sociétés raisonnable (aux alentours de 12%), une flexibilité à l’embauche et un contexte macro-économique favorable. La bonne santé économique du Canada fait pâlir d’envie les autres pays du G8 et cet État semble avoir trouvé la solution sur la question de la combinaison État-providence / taux d’imposition. Le voisin américain affiche un taux d’imposition supérieur mais un État-providence clairement moins prononcé. Un paradoxe qui met en avant les mœurs différentes d’une société à l’autre. Une preuve donc que la France pourrait baisser son taux d’imposition sans pour autant pleinement sacrifier son système social généreux et onéreux.
L’étatisme d’hier…
Cependant, l’étatisme n’a pas toujours eu comme conséquence première de ralentir la croissance économique. Cet amalgame dénigre passivement les bons côtés d’un système régulé. Sous le Second Empire, le gouvernement de Napoléon III entreprit de vastes investissements qui eurent comme effet une croissance économique quasi continue de 1852 à 1870. L’intervention du gouvernement permit la généralisation des technologies mises au point pendant la seconde révolution industrielle sur le territoire (développement des lignes électriques et de moyens de transports plus efficaces). Entre 1852 et 1870 la France connut une période d’industrialisation sans interruption, grâce à un système harmonieusement mélangé : un contrôle étatique sur les secteurs à développer et une certaine souplesse donnée aux entreprises. Un libéralisme « à la française » qui conjugue la liberté d’entreprendre avec un gouvernement relativement puissant qui intervient pour s’assurer du bon déroulement des opérations.
Et celui d’aujourd’hui
À notre époque, fortement marquée par une utilisation et un besoin accru de nouvelles technologies (Internet, biotechnologies, énergies renouvelables…), un système similaire à celui du Second Empire pourrait porter ses fruits. Une certaine liberté accordée aux entreprises tout en régulant la concurrence pour qu’elle soit harmonieuse avec des investissements massifs dans la Recherche et Développement (R&D) pour encourager l’émergence de nouvelles technologies. Avec des capitaux gouvernementaux de cette ampleur, la recherche française confirmerait son prestige à l’international et les entreprises n’auraient d’autres choix que de domestiquer cette R&D pour rester compétitives. Le secteur énergétique est un bel exemple : la Commission de Régulation des Énergies (CRE) décide du prix du gaz et de l’électricité, ce qui permet aux Français d’avoir la facture la plus faible d’Europe, mais autorise la mise en concurrence des différents acteurs du monde énergétique. Une mesure qui prendra bientôt fin. Au 1er janvier 2016 les tarifs règlementés sur l’électricité vont disparaître : le pouvoir de la CRE se verra donc limité. Si cette fin de réglementation s’accompagnera d’une mise en concurrence plus accrue et plus harmonieuse, le gouvernement perdra de son autorité sur un secteur de l’économie et le contribuable risque d’en pâtir. Les investissements se feront plus rares et la R&D s’en verra affectée. Devant ces choix difficiles, il n’appartient qu’à la France de décider de la manière dont elle doit s’intégrer dans l’économie mondialisée.