Entre le 11 et le 15 novembre, seulement 16,7% du corpus étudiant s’est acquitté, en quelques clics et des poussières de secondes, de son devoir démocratique du semestre : celui de voter. Plus précisément, 3 732 des 22 367 étudiants n’ont ni voulu d’un v.-p. aux affaires internes (v.-p. interne) pour les représenter à l’Association Étudiante de l’Université de McGill (AÉUM), ni d’une augmentation des frais de cotisation de la radio étudiante — CKUT— pour les divertir et les informer.
CKUT : coulée
CKUT, radio mcgilloise reconnue comme étant l’une des meilleures stations de Montréal, a vu sa demande d’augmenter sa redevance semestrielle d’1,50 dollar rejetée par un peu moins de 55% des étudiants. Pourtant, 3 votants sur 4 ont approuvé les 4 dollars semestriels du Réseau Sécuritaire de l’AÉUM. CKUT forme chaque année des dizaines d’étudiants aux divers métiers de la radio : techniciens, rédacteurs, présentateurs et autres ; elle compense ainsi, comme s’en efforce aussi Le Délit, l’absence d’une école de journalisme à McGill. CKUT, dont les frais de fonctionnement couvrent une license d’émission sur les grandes ondes ainsi que l’achat et l’entretien d’un matériel onéreux, est actuellement en grave déficit et comptait fermement sur ces fonds supplémentaires pour se maintenir à flot.
Élections rocambolesques
Il semble que l’AÉUM, bien malgré elle, ait voulu offrir à ses électeurs une dose supplémentaire de divertissement popcorn, en continuant dans la lignée des campagnes électorales qui ressemblent de plus en plus à des matchs de catch dans la boue qu’à autre chose.
Alexei Simakov, candidat défait à la présidence de l’AÉUM en mars dernier, avait vu son opposante Céleste Pagniello se désister au matin de l’ouverture du scrutin. Cette dernière avait été officiellement sanctionnée par Élections AÉUM pour avoir fait usage de comptes Facebook fictifs afin de maquiller l’éviction d’un étudiant de sa page de campagne. Naturellement, Simakov, qui est aussi président des Conservateurs de McGill, a sans doute pensé qu’il se dirigeait vers une victoire certaine. Toutefois, pour ce dernier, dont l’élection s’était transformée en vote d’approbation, la soudaine apparition d’une vigoureuse campagne du « Non » sur les réseaux sociaux a finalement eu raison de lui : 51,7% des électeurs n’ont pas voulu lui accorder une victoire par acclamation.
La campagne du « Non » s’est déroulée dans un flou légal, s’étant autoprocalmée « non-officielle » pour ne pas avoir à se plier aux règles de l’AÉUM. Ces règles auraient empêché Ben Ger, co-organisateur et employé de l’AÉUM sous le v.-p. aux finances et opérations, de s’impliquer. Parmi les faits reprochés à Simakov par ce mouvement, on retrouve une campagne déloyale : pour avoir dénoncé anonymement les agissements interdits de son opposante et celui de ne pas avoir compris le rôle de v.-p. interne en présentant un programme trop ambitieux qui outrepasse les prérogatives du poste. Selon le camp adverse, Simakov ne serait pas assez représentatif du corps étudiant car il n’accorde pas assez d’attention au problème de l’équité, et ce malgré le fait qu’il ait recueilli 47,5% des suffrages au semestre passé lors des élections présidentielles de l’AÉUM.
Pour leur part, deux des organisateurs de la campagne du « Non », Ben Ger et Evan Berry ont déclaré au McGill Daily que le mouvement n’était pas un mouvement anti-Simakov, mais plutôt une campagne de sensibilisation pour permettre aux étudiants de savoir qu’ils ont l’option de voter « Non ». De plus, les deux organisateurs de la campagne du « Non » sont des proches de Kareem Ibrahim, le président de l’AÉUM. Un coup monté de l’intérieur ? À noter toutefois qu’un éditeur du Daily a aussi contribué à cette campagne du « Non » sur les réseaux sociaux.
L’AÉUM : grande perdante ?
Certes, de nouvelles élections sont progammées dans les semaines à venir et nos exécutifs de l’AÉUM recevront peut-être ce renfort dont ils on tant besoin, eux qui croulent actuellement sous leur charge de travail. Cependant, à long terme, cet énième épisode de House of AÉUM nuit à la légitimité de l’Association qui est mise à mal par une participation très faible malgré le mode de scrutin électronique censé améliorer le taux de participation. Une Association dont l’image se détériore encore et toujours malgré les efforts honnêtes de l’équipe exécutive de redresser la barre après le travail occasionnellement amateur de leurs prédécesseurs. Une Association aussi malheureusement trop occupée à rester fonctionnelle pour mener à bien des projets d’envergure.
Une tendance marquée
En voulant être plus que parfaite, ces dernières années, l’Association semble avoir pris un virage un peu trop extrême et se retrouve aujourd’hui déconnectée des réalités de la majorité des étudiants. Bien que les intentions des représentants soient louables, l’accent sur le politiquement correct a largement contribué à ériger cette forteresse aux alentours de l’AÉUM, à laquelle seuls les plus intimes peuvent accéder. Les voix dissidentes, tel que Simakov, sont mis à plat grâce aux résaux sociaux, ce qui limite grandement ses capacités à se réformer. Cette réalité inquiète car le manque de dissension entre les voix et les intérêts entraîne l’apathie auprès des étudiants qui sont plus que jamais déconnectés de la démocratie étudiante. Comment leur en vouloir ?
Notification : Il a été confirmé au Délit, ultérieurement à la parution de cet article, que la campagne non-officielle du « Non » était bien légale. Cette campagne avait bien été autorisée par le service repsonsable des élections de l’AÉUM, du moment qu’elle restait « non-officielle » et ne servait de « forum » qu’aux étudiants « non-affiliés avec l’AÉUM ».