« Tu ne colles pas à l’image de notre cabinet », « comment te sens-tu, en tant que femme noire en entrevue avec nous aujourd’hui ?», « vas-tu rentrer plus tard dans ton pays ?» Pour Médgine Gourdet, étudiante en troisième année à la faculté de droit de l’UdeM et pour de nombreuses femmes noires qui travaillent dans le domaine du droit, ces commentaires ne sont qu’une poignée des remarques racistes et sexistes auxquelles elles doivent faire face au quotidien.
Problème sociétal
Organisée par l’Association des Étudiant(e) s Noir(e) s de McGill en Droit, la conférence, intitulée Black Women and the Law : Reclaiming Spaces and Changing the Narrative of Black Female Success (Les femmes noires et le Droit : Reconquête et changement de la dynamique du succès féminin noir, ndlr), réunissait huit femmes noires au micro : Andréa Baptiste, Rachel Zellars, Alyssa Clutterbuck, Lillian Boctor, Stéphanie Jules, Amanda Wurah, Médgine Gourdet et Samanthea Samuels. Étudiant ou travaillant dans le domaine juridique, elles ont fait part de leurs expériences personnelles et ont analysé la place des femmes noires dans le monde contemporain.
Ainsi, il a été possible de constater que la place réservée aux femmes noires à la télévision et dans les médias est très minime. Mises à part les célèbres actrices Kerry Washington dans Scandal ou Gina Torres dans la série judiciaire Suits, les personnes de couleur se voient souvent attribuer un rôle secondaire et stéréotypé où elles jouent trop souvent le rôle de femmes de ménage ou gardiennes d’enfants. Les pratiques de sexualisation sont également toujours présentes. La femme noire-objet est une conceptualisation qui remonterait à l’époque de l’esclavage : très symbolique en termes de jeux de pouvoir.
Le domaine juridique
La sous-représentation des femmes noires est également visible dans le domaine du droit, car l’histoire du droit trouve ses racines dans le colonialisme et dans les structures de la « suprématie blanche », minant les chances de réussite des minorités. Au Québec, il y a 24 450 avocats dont seulement 286 sont noirs. La grande majorité de cette proportion pratique en solitaire alors que le droit est une profession qui fonctionne en réseau. Il est donc faux de penser que tous ont la même chance de réussite alors que le chemin est déjà miné d’obstacles, particulièrement pour les femmes, même blanches.
Mais ces embûches ne sont pas seulement présentes pour celles qui pratiquent le droit. Ayant trois fois plus de chances d’être victimes de violence conjugale, les femmes noires qui se tournent vers la police subissent souvent des de la part des autorités, causant le silence et une marge d’erreur monumentale dans les statistiques. Cette réalité, soutiennent les oratrices, doit être reconnue et abordée. Les femmes noires se doivent de prendre la parole pour se défendre entre elles et contrer les stéréotypes auxquels elles font régulièrement face. Dans la salle de conférence, on remarquait que près d’une centaine de femmes noires étaient présentes. Une ambiance de solidarité et d’amour régnait alors que les expériences personnelles relatées étaient partagées par plusieurs membres du public… Il est déjà question d’une seconde tenue pour cette conférence couronnée de succès, qualifiée d”«incroyablement rafraîchissante » et de « réellement inspirante ».