Au Québec, le Salon bleu de l’Assemblée nationale représente le centre de la démocratie. En effet, c’est à partir ce lieu historique que les 125 député-e‑s élu-e‑s débattent, proposent des projets de loi et vivent le clash idéologique de leurs partis respectifs. Pour certains jeunes passionnés de politique, le métier de député représente leur aspiration future. Pour d’autres, il ne s’agit que d’une question de curiosité. Enfin, il y a ceux qui sont tout simplement des mordus de débats. Peu importe la source de leur motivation, plus d’une centaine de jeunes étaient prêts à passer la moitié de leurs vacances des fêtes de fin d’année à jouer le rôle de parlementaire. Pour ces jeunes, le Parlement étudiant du Québec (PÉQ) est le lieu où les aspirations prennent vie.
Une expérience d’apprentissage
Du 2 au 6 janvier, et ce depuis 30 ans, le Salon bleu accueille des jeunes qui sont, pour la majorité, âgés de 18 à 25 ans. Pour ces jeunes, la session scolaire est suivie de la session parlementaire. Après des mois de préparation, durant lesquels ils ont rédigé des projets de lois, des questions et des déclarations, ils se rendent à l’Assemblée nationale, prêts à défendre les idées qu’ils croient être les meilleures pour faire avancer la vie des Québécois. D’un côté, il y a le caucus des Rouges, traditionnellement les défenseurs du libre-marché, du néolibéralisme et de l’individu. De l’autre, on retrouve le caucus des Bleus, champions de la social-démocratie, de l’État-providence et de la collectivité.
Durant cinq jours, les députés ne ferment pas beaucoup l’œil, adoptent des habitudes alimentaires plus que discutables et n’ont presque pas le temps de penser à autre chose. Constamment, il y a une situation urgente à gérer. Les participants ont la chance de se retrouver des deux côtés de la Chambre : deux jours à l’opposition et deux jours au gouvernement. À tour de rôle, les caucus sont mis sur l’offensive et sur la défensive.
Mais défendre quoi exactement ? Le fruit de plusieurs mois de travail. Au PÉQ, chaque parti présente généralement trois projets de lois, un budget, et un projet de livre blanc, qui est un reflet de l’idéologie du caucus. En arrivant le 2 janvier, les députés ont eu l’opportunité de lire les propositions de leurs adversaires, les décortiquer, et de monter leurs attaques. La table est donc mise pour cinq jours de débats endiablés, passionnés, et surtout idéologiques. Avant tout, ce sont les principes qui représentent chacun des caucus qui sont au centre des débats. Pour éviter que l’idéologie ne prenne le bord, certains sujets sont proscrits durant la simulation. Ainsi, il est interdit de parler de la souveraineté du Québec, des enjeux qui sont actuellement débattus à l’Assemblée nationale par les élus, et des champs de compétence du gouvernement fédéral. De cette façon, on s’assure que la simulation reste inclusive, amusante et axée sur les idées novatrices.
Le caucus des journalistes
Bien sûr, la simulation ne se limite pas simplement à l’écriture de discours et des débats en Chambre. Les intéressés sont également invités à participer en se mettant dans la peau d’un ou d’une journaliste. Par sa présence constamment grandissante, le caucus des journalistes rajoute du piquant. En 2016, il n’y avait pas moins de 19 journalistes pour scruter les moindre faits et gestes des deux caucus et alimenter les débats. Que l’on soit ministre, chef, critique, ou simple député‑e, les journalistes sont constamment à l’affût, espérant décrocher le dernier « scoop » sur les intentions des deux partis. Une crise vient également amener un élément de controverse. Deux journaux étaient publiés cette année : le Funambule, comparable au journal Le Devoir, et L’Autre Journal, plus aligné avec Le Journal de Montréal/Québec. Somme toute, la contribution du caucus des journalistes ne fait qu’accentuer le réalisme de cette simulation et en fait une expérience encore plus palpitante.
Divers participants
Le PÉQ est donc une chance unique de faire de nouvelles rencontres, d’accroître ses connaissances, mais surtout de dépasser ses limites. Tout comme leurs homologues députés, les jeunes participants viennent de tous les champs d’études. Tous ne sont pas étudiants en droit ou en sciences politiques. Ils sont aussi étudiants en économie, en médecine, en ingénierie, pour ne nommer que ceux-là. La pléthore de talents rend souvent les différents ministères difficiles à combler, au grand plaisir (et déplaisir, dû aux décisions à prendre) du groupe des officiers des deux caucus. Ainsi, pour participer au PÉQ, il ne faut pas être le plus grand des orateurs, le plus sages des érudits ou la plus habile des plumes. Non, pour participer au PÉQ, il faut simplement avoir envie de vivre une expérience nouvelle, enrichissante et vivifiante.
Mon expérience et une invitation
En tant que participant ayant vécu son baptême à l’édition 2016, je voudrais encourager tous nos lecteurs à s’impliquer dans des simulations politiques et surtout à participer au PÉQ. Je n’étais pas la personne avec le plus d’expérience en tant qu’orateur, ou même en écriture de discours, et je dois avouer que j’étais assez sceptique et nerveux durant les semaines qui ont précédé le début de la simulation. Malgré tout, mon objectif était d’améliorer ma capacité à parler en public, d’avoir des débats intellectuellement stimulants et de rencontrer de nouvelles personnes : j’ai été comblé. Certes, tout ne s’est pas toujours déroulé comme prévu. La commission sur le budget, où j’ai eu la chance de siéger, a été particulièrement enflammée, en raison du clash entre notre idéologie interventionniste chez les Bleus et la pensée libérale des Rouges. La quantité astronomique de restauration rapide, de café et de croissants que j’ai consommée, en plus du sévère manque de sommeil, m’ont parfois fait remettre en cause ma propre santé mentale. En effet, je me suis souvent demandé pourquoi j’avais décidé de me mettre volontairement dans ces conditions, sachant que j’aurais pu profiter de mes derniers jours de vacances autrement. Au bout du compte, cependant, malgré tous ces questionnements, je répèterais cette expérience dès demain, sans hésitation, et je compte d’ailleurs être participant à la prochaine édition. J’ai rencontré des gens extraordinaires, avec qui j’ai pu avoir des échanges aussi enflammés qu’informatifs, et j’ai aussi confirmé mon amour de la politique.
« Durant cinq jours, les députés ne ferment pas beaucoup l’œil, adoptent des habitudes alimentaires plus que discutables et n’ont presque pas le temps de penser à autre chose. »
Je vous le dis : quelques soient vos orientations politiques, votre carrière de rêve ou votre niveau d’expérience, vous vous sentirez épanoui à la fin de la semaine sur laquelle s’échelonne le PÉQ. Le PÉQ 2016 a été marqué, comme c’est le cas à chaque année, par la présence d’un grand nombre de femmes talentueuses, et ce autant chez les Rouges, les Bleus et les journalistes. Ceci étant dit, malgré cette remarquable cohorte, il y a tout de même un déséquilibre de participation hommes-femmes, tout comme la représentativité disproportionnelle au sein de la députation à l’Assemblée nationale. Il reste encore du travail à faire avant que le genre féminin ne soit représenté d’une façon équivalente à son poids démographique et je suis convaincu que les premiers pas peuvent se faire dans les simulations comme le PÉQ. Messieurs, mais surtout mesdames, j’ai donc hâte de siéger à vos côtés ou alors de vous affronter, lors du PÉQ 2017. L’invitation est lancée.