En matière musicale, Rent est une de ces comédies qui allie la performance, le sujet et la réflexion. Ce que l’ Arts Undergraduate Theater Society (AUTS) a présenté à sa répétition générale ressemble à cet équilibre idéal auquel chaque écrivain aspire.
Rent est une comédie musicale qui suit le parcours d’un groupe de jeunes adultes de nos âges dans le New-York des années 1980. La vie y est parsemée de difficultés quotidiennes dans un contexte de crise du sida : pauvreté, maladie, isolement, problèmes de communauté et de sexualité ; d’après Daniel Austin-Boyd, le directeur du spectacle, « ce sont des sujets qui font de Rent un show auquel les étudiants peuvent s’identifier ». Car détrompez-vous ! Si vous vous laissez prendre au jeu, ce n’est pas pour assister à une performance « feel good » de Sutton Foster sur un Anything Goes qui vous trottera dans la tête pendant une soirée ou deux, si excellente soit-elle. L’objectif de Rent est bien de mettre en évidence ces sujets controversés pour pousser à une réflexion après la séance et c’est d’ailleurs ce qui lui a valu plusieurs récompenses comme des Tony Awards et autres Drama Desk Awards.
Si les premières chansons peinent à démarrer de manière percutante, un rythme se met progressivement en place et les acteurs commencent à oublier qu’ils sont sur scène. Un peu plus de flirt manque dans « Light My Candle », et notre rôle de critique ne nous empêche d’en vouloir plus de ce côté-là, comme d’en vouloir moins sur la chorégraphie de « Will I ». Et plus tard de déplorer les quelques problèmes de micro qui viennent ternir la belle voix de Teodora Mechetiuc (dans le rôle de Mimi).
Cette première partie, ne l’oublions pas, est aussi la première qui soit présentée devant un public. Mais c’est justement au moment où cette excuse me vient que les acteurs parviennent à casser ce rythme avec le « Tango Maureen » : un duo élégant, bien chanté et dansé avec le soupçon de pudeur qui convient par Mariel White (Joanne) et Olivier Bishop-Mercier (Mark).
C’est ainsi que les bonnes performances s’enchaînent afin de remplacer le doute par le plaisir : un one-woman show complètement loufoque d’une Sophie Doyle (Maureen) à la voix puissante ; « La vie bohême » vous fait danser les pieds faute de pouvoir se lever : l’ensemble y est bon, les actions fusent sur scène et l’on se perd dans ce joyeux mélange à vouloir tout capturer. Au deuxième acte, « Seasons of Love » vous emmène dans un rythme plus calme et l’on y découvre plus tard un « Take Me or Leave Me » entre Joanne et Maureen qui est sans doute le clou de ce spectacle : voix, mouvement, lumière, groove rythmé de la part des musiciens, tout y est.
Le spectacle Rent représente donc une succession de bonnes chansons, une montée en puissance au niveau du jeu, de la musique, des émotions. Le metteur en scène a trouvé des manières originales de présenter une œuvre difficile à réinterpréter et c’est là aussi que se trouve le talent des acteurs. Ils ont réussi à nous toucher en nous faisant frissonner ou en nous laissant pantois ; bref, en nous faisant croire à la poésie d’une communauté de personnages réunis autour de leurs succès et de leurs défaites.
Si, de notre côté, la poésie manque à l’heure de rendre justice au travail de l’AUTS, le sentiment y est, croyez-le bien.