La Cour Suprême du Canada a accepté d’entendre la cause qui oppose les enseignants de la Colombie-Britannique à leur gouvernement provincial. Le conflit, qui perdure depuis plusieurs années faute de précédent, pourrait modifier de fond en comble les conventions collectives intégrées au code du travail canadien.
Un conflit interminable
Ce qui n’était supposé être au début qu’une simple réforme du système scolaire s’est transformée en une saga judiciaire qui draine les ressources de la Fédération des Enseignants de la Colombie-Britannique (FECB). En 2002, après des mois de négociations infructueuses sur cette réforme, le gouvernement provincial de la Colombie-Britannique a passé un projet de loi afin d’augmenter l’effectif dans les classes. Ce subterfuge permit au gouvernement britanno-colombien de contourner les conventions collectives et de ne pas avoir à négocier avec la FECB. Cette dernière s’opposait fermement à certaines clauses de réformes, tel que l’augmentation du ratio étudiants/professeurs dans les écoles du primaire et du secondaire. Le nombre d’étudiants par classe étant inscrit dans la convention collective, la FECB estimait que le gouvernement avait enfreint ses droits constitutionnels d’associations inscrits dans la Charte canadienne des droits et libertés.
Le gouvernement fait preuve d’un autoritarisme rare.
Avec le projet de loi le gouvernement britanno-colombien a notamment aboli, sans aucune négociation avec les syndicats, les quotas de spécialistes tel que les psychoéducateurs, psychologues, orthophonistes et autres. En contrepartie, le palier provincial du gouvernement proposait la création d’un fond de 75 millions de dollars annuel qui serait distribué aux établissements scolaires. En contrepartie, la FECB demande un fond de 225 millions ainsi que la restauration des normes de la convention collective qui avait été négociées et signées avant 2002.
Suite à cette loi, s’ensuivit un long conflit juridique de quatorze ans qui opposa les enseignants de la FECB au gouvernement. La justice donna d’abord raison aux enseignants, estimant que le gouvernement avait fait preuve de « mauvaise foi » au cours des négociations et au cours du dépôt de son projet de loi. La Cour d’Appel donna ensuite raison au gouvernement, estimant que les droits de négociations des enseignants n’étaient pas constitutionnels, et donc qu’il n’y avait pas eu de violation. Cependant, s’estimant lésés dans leurs droits démocratiques, qu’ils jugent constitutionnels, les enseignants ont présenté leur cause à la Cour Suprême du Canada qui a accepté l’appel, sans toutefois fournir des explications.
La nécessité des conventions collectives
La négociation collective permet une balance des pouvoirs de l’État face aux travailleurs canadiens en permettant aux syndicats de négocier les conditions de travail des employés. C’est particulièrement le cas dans les secteurs où l’État exerce un contrôle quasi-monopolistique tel que la santé et l’éducation. Si la Cour Suprême donne gain de cause au gouvernement, l’ensemble des conventions collectives dans les autres provinces pourraient être modifiées sans l’accord des syndicats. Indirectement, le droit d’association en serait grandement affaibli, et il perdrait son pouvoir de négociation, en rendant les conventions collectives désuètes. Plus encore, en utilisant son pouvoir législatif pour éviter de négocier avec les citoyens, le gouvernement fait preuve d’un autoritarisme rare. À long terme, cette hypertrophie de l’autorité gouvernementale censée servir le peuple ne fera qu’augmenter le cynisme de la population envers nos institutions démocratiques et nos élus.