Vendredi dernier, le gouvernement provincial d’Alberta a enfin dévoilé les résultats de son panel sur les redevances énergétiques reversées à la province. Ce panel, point fort de la campagne électorale du gouvernement en mai dernier, se voulait d’étudier le système de redevances énergétiques en Alberta en vue de le réformer afin que les Albertains puissent recevoir une part plus importante des revenus pétroliers. Mais loin de la grande réforme promise par Rachel Notley (chef du Nouveau Parti Démocratique en Alberta, ndlr), le système ne change pas comme promis et les redevances n’augmenteront pas, ou peu, tandis que les Albertains se retrouvent à essuyer une ardoise de près de trois millions de dollars.
L’Alberta, en première ligne de la crise pétrolière
L’Alberta, plus grosse réserve pétrolière du Canada, est la province qui souffre le plus de la présente crise pétrolière. En effet, après que le baril ait chuté de plus de 70 dollars en 18 mois, la province a vu son taux de chômage exploser à des niveaux qui approchent ceux de la crise financière de 2009. Selon Statistiques Canada, l’Alberta a perdu près de 19 600 emplois en 2015, la plus grosse perte d’emplois depuis 1982, et plus de 40 000 emplois dans le secteur énergétique depuis le début de la crise pétrolière.
Alors qu’elle est depuis longtemps considérée comme l’une des provinces les plus riches du Canada, certains croient que l’Alberta pourrait bientôt bénéficier du système de péréquation, qui redistribue une partie du revenu fiscal aux provinces les moins riches. Jusque là, la province n’en bénéficiait pas tandis que de son coté le Québec a reçu près de neuf milliards de dollars au cours de l’année fiscale passée.
Avant la crise pétrolière, le pétrole comptait pour pas moins de 45% des revenus fiscaux de la province. Ce chiffre a maintenant chuté a moins de 10%. Pas étonnant que le gouvernement de Notley veuille réhausser les redevances pétrolières. Mais est-ce bien faisable ?
Une part « raisonnable » des revenues pétroliers
Au Canada, contrairement à la plupart des autres gros pays producteurs de matières premières, le gouvernement provincial garde la propriété de tout sol sur lequel sont extraites lesdites matières premières. Par conséquent, les Canadiens des provinces productrices de pétroles sont les véritables propriétaires des champs de pétroles. Et ainsi, à l’instar du propriétaire d’un appartement, le gouvernement provincial est en droit de demander un « loyer » sur les terres qu’elle loue aux industries pétrolières.
En mai dernier, alors que la bataille électorale faisait rage, Rachel Notley expliquait que les Albertains ne recevaient pas une part raisonnable des revenus pétroliers. Elle promettait alors qu’une fois élue, elle mettrait en place un panel afin de « mettre en place les redevances pétrolières que les personnes à qui ces ressources appartiennent, les Albertains, méritent ».
Mais après cinq mois d’études, le panel a jugé non seulement que les redevances énergétiques que reversent les compagnies minières et pétrolières étaient adéquates, mais qu’en plus elles étaient relativement élevées. En effet, le gouvernement prend des redevances sur les revenus totaux plutôt qu’uniquement sur les revenus après que les coûts d’opérations et en capital aient été pris en compte. Cela a créé la situation actuelle absurde dans laquelle même si les compagnies subissent d’énormes pertes, le gouvernement continue de les imposer. Et les Albertains s’étonnent encore de voir les compagnies fuir leur province ?
Une réforme pour supporter l’industrie pétrolière
Le panel d’experts a donc proposé une série de solutions pour changer le système actuel dans l’espoir de le rendre plus compétitif nationalement mais aussi à l’international. Vis-à-vis des sables bitumineux, le système restera inchangé. Le nouveau système permettra aussi de faciliter l’investissement dans les secteurs de l’huile de schiste et du gaz en permettant aux investisseurs de recouvrir leurs coûts avant que le gouvernement ne se mette à imposer pleinement leurs revenus. Finalement, le nouveau système récompensera les compagnies avec les coûts d’extractions les plus bas. Cette dernière décision permettra de rendre l’Alberta plus compétitive au niveau des prix d’extractions.
Si le nouveau système a déjà été accepté par le gouvernement Notley, cette histoire est une « leçon pour tous les autres gouvernements qui font ce genre de promesses en périodes d’élections », comme l’explique Dr Skinner de l’Université de Calgary. Il ne reste maintenant plus qu’à espérer que cette nouvelle mesure permettra d’enrayer la descente aux enfers de la province.