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Sartre à Hollywood

The Childhood of a leader, sombre drame historique au Centre Phi.

WME Entertainment

Du 16 au 25 février, le Centre Phi propose la diffusion du premier film du jeune acteur américain, Brady Corbet. Pour ses premiers pas en tant que réalisateur, il ne s’est pas laissé aller à la facilité, loin de là. Adapter une nouvelle de Jean-Paul Sartre (L’enfance d’un chef, ndlr) avec Robert Pattinson dans le rôle titre ? Le pari était risqué, le résultat, en demi-teinte. 

L’enfance d’un chef est divisée en trois tantrums, soit crises de colère, qui dépeignent la montée de l’égo autoritaire d’un jeune enfant. Dès l’ouverture, Corbet nous annonce ses intentions de nous plonger dans une France d’après-Première Guerre mondiale sombre et austère, où le clergé tient une place dominante. Un jeune servant de messe se cache derrière un mur et lance des pierres sur les paroissiens quittant l’église. Cet enfant de cœur c’est Prescott, né au sein d’une riche famille de la campagne française. Son père est un haut diplomate américain pour le président Wilson et s’occupe des négociations du traité de Versailles en 1919. Une suite de stratégies militaires qui aura un rôle majeur dans le développement de sa pensée. 

Enfant intelligent à la tête d’ange, Prescott est souvent confondu avec une fille. Il va alors peu à peu prendre conscience de son pouvoir sur les autres, de son charme et du respect qu’il impose : il deviendra un chef, un despote, un dominateur.

WME Entertainment

Une esthétique éblouissante

La technique cinématographique de Brady Corbet est remarquable, quoiqu’étonnante. Il décide de filmer des pièces vides ou des couloirs pendant de longues minutes et privilégie les gros plans, nous laissant pénétrer dans l’intimité des personnages. Les décors et costumes traduisent superbement la France des années 1910, avec des silhouettes allongées — le corset étant de mise chez la gente féminine. Du côté des acteurs, Bérénice Béjo dans le rôle de la mère inquiète est la touche d’élégance de la distribution, malgré un jeu d’actrice frôlant parfois le pathos. 

Quant au jeune acteur qui interprète Prescott, il est époustouflant : sa tête d’ange et son regard frondeur font de lui l’atout incontestable du film. L’acteur Tom Sweet incarne un personnage capricieux et indiscipliné qui marque par sa présence hypnotisante à l’écran. Robert Pattinson – malgré son omniprésence lors de la promotion du film – ne tient qu’un rôle secondaire et apporte surtout sa notoriété au long-métrage.

Sobriété et manque de dynamisme

La musique composée pour le film par Scott Walker participe à l’atmosphère pesante qui s’en dégage : des sons stridents et agressifs s’apparentent à des cris de souffrance. Le film alterne entre des plans de Prescott avec sa tutrice angélique (interprétée par la magnifique Stacy Martin) et des images de plafonds noirs avec une musique apocalyptique en arrière-fond. L’enfant en rébellion contre l’autorité en vient à attaquer physiquement sa propre mère. Tout cet ensemble offre un drame angoissant sur la montée en puissance d’un égo fasciste, intolérant et capricieux. On pourrait reprocher à Brady Corbet la surabondance de symboles : le spectateur a aussi besoin d’être guidé dans l’enfance tourmentée d’un despote en devenir. L’incompréhension persiste sur le sens de certaines scènes et l’on sort du Centre Phi avec une certaine frustration. L’œuvre manque de sens et de dynamisme : c’est l’histoire d’un enfant qui devient de plus en plus capricieux et son entourage de plus en plus servile. La forme prédomine malheureusement sur le fond. 


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