« L’avantage d’être un architecte, c’est de pouvoir marcher dans ses rêves. » Une poignée de minutes après l’ouverture du film, les paroles de l’architecte américain Harold E. Wagoner résonnent comme un préambule aux images qui se bousculent sur l’écran du Centre Canadien d’Architecture (CCA). Facing up to Mackintosh retrace l’histoire d’un défi : l’élaboration d’un nouveau voisin pour le bâtiment principal de l’école d’art de Glasgow, imaginé par l’architecte écossais Charles Ronnie Mackintosh à la fin du 19e siècle. C’est sur une période de trois ans que la caméra de Louise Lockwood a observé chaque étape de la naissance du Reid Building, sous l’œil exigeant de ce qui est considéré comme l’un des plus grands chefs‑d’œuvre de la carrière de Mackintosh.
Le défi est de taille et le recueil de témoignages que constitue ce documentaire, présenté en avant-première de la 34e édition du FIFA (Festival International du Film sur l’Art), ne nous laisse pas le bénéfice du doute. Professeurs d’arts, architectes et autres adeptes de structures ingénieuses vantent ces petits détails, calculs et dispositions qui font toute la complexité de l’édifice Mackintosh. « Il parvient à être brillamment inspirant sans que son esthétique ne se fasse imposante » souligne ainsi la professeur Muriel Gray. L’architecte américain Steven Holl, chargé de la conception du nouvel habitacle, aime à comparer un bâtiment à un outil, un instrument, plutôt que quelque chose de statique. Pour l’agencement du Reid building, l’idée serait alors d’observer la façon dont la lumière naturelle traverse les vitres du Mackintosh pour la convertir en une nouvelle géométrie.
« Il y a de l’espoir dans l’honnête erreur »
Réduire trois années de travail en cinquante-huit minutes de film ne se fait évidemment pas sans abîme. Alors que l’on apprécie d’avoir accès à chaque étape de la construction, la vue du chantier – étape clé dont l’importance est souvent survolée – il aurait été judicieux de mener une enquête sur l’acclimatation du bâtiment Reid dans le paysage urbain de la métropole écossaise. Seule la rue qui le sépare de son ancêtre Mackintosh nous est montrée, or il est fort possible que les formes quasi-cubiques de l’œuvre de l’architecte Steven Holl aient dérangé voire contredit certaines attentes esthétiques ou conceptions de ce que l’on entend par « harmonie ».
Facing up to Mackintosh a tout de même le mérite de nous redonner conscience du nombre d’expériences sensorielles qu’apporte l’assemblage de matériaux dans un lieu précis. Car on ne se contente pas d’observer un bâtiment : on y marche, on respire, on rit, on dort, on apprend et il arrive même qu’on se perde entre quatre murs. Tâchons de ne pas oublier à quel point le lieu de vie façonne notre niveau de satisfaction envers tout ce qui nous entoure. Souvenons-nous que trop d’inventions, de transmissions de savoir, de recettes de cuisine n’auraient pas vu le jour sans une bonne dose de coups de marteaux bien étudiés. L’expérience du documentaire de Louise Lockwood et l’idée de bâtir en respectant le travail de nos prédécesseurs rejoint l’idée de l’architecte français Paul Chemetov : lire puis ensuite continuer ce qui a été créé à partir de chaque choix mené, « en re-puisant ce qu’il a apporté en son temps. »
« Il y a de l’espoir dans l’honnête erreur, nullement dans la perfection glaciale du simple styliste.» Il paraît que cette formule constituait la devise de Charles Ronnie Mackintosh. Elle semble appropriée pour clore cet article. S’il vous plaît, n’oubliez pas de fermer la porte en sortant.