La Rencontre interuniversitaire de performance actuelle (RIPA) a eu lieu le 2 avril 2016, dans la salle polyvalente de l’UQAM. Le nom de l’événement annonce déjà la couleur, il faut donc s’attendre à un méli-mélo de performances diverses et hautement contemporaines, représentatif de la sphère bohème et engagée de la jeunesse montréalaise. La RIPA confirme bien cette hypothèse : d’emblée, la salle entière apparait comme l’espace scénique, dans lequel les artistes se confondent avec les spectateurs. Certaines performances sont déjà en place et se poursuivent jusqu’à la fin de la soirée ; c’est ainsi qu’un artiste attire l’attention générale par le son rythmé d’un tampon frappant une table. Il s’appelle Félipe Goulet-Letarte et s’adonne à une tâche intrigante : tamponner le mot « Éthique » au milieu d’une feuille blanche. Durant quatre heures, il poursuit ce mouvement mécanique et ininterrompu qui donne naissance à des centaines de feuilles blanches tamponnées de cet unique mot, éthique. Éthique, est-ce « éthique » alors de sacrifier tout ce papier pour la cause artistique ? C’est l’occasion ou jamais de poser la question à l’artiste. Le bras et le dos engourdis, il répond avec un sourire : « c’est dur l’éthique ».
Au milieu de la salle, une femme est couchée sur le sol, près d’une échelle, les pieds fermement attachés à des échasses en bois. Elle se meut par intermittence, les yeux hagards ; elle ne regarde personne en particulier. Après une heure de performance, Caroline Boileau est libérée de ses échasses, et monte sur l’étrange échelle jusque là posée sur le sol. La marraine de cette édition regarde l’assemblée, et finit par prononcer un mot de bienvenue ; l’événement est lancé. Parmi les nombreuses performances qui surgissent de manière soudaine et inattendue, à divers endroits de la salle, deux m’ont particulièrement attiré l’attention. Deux artistes, deux femmes qui, au travers de deux performances totalement différentes, semblent graviter autour d’un thème commun : la fragilité.
« Une performance qui semble être la manifestation d’une quête de l’équilibre »
La première artiste, vêtue d’une robe et de bottes rouges, entame sa prestation en marchant et en faisant le poirier. Par la suite, elle change de chaussures, se déshabille, et reprend son parcours en continuant son activité. Elle s’essouffle, tombe même une fois. Elle finit par se vêtir d’un tissu assorti à ses bottes beiges, pour enfin le déchirer de toutes parts, et recréer un nouveau vêtement en nouant différents morceaux. Finalement, l’artiste s’écrit « Y’a pas de punch » et sort de la salle. Une performance qui semble alors être la manifestation d’une quête perpétuelle de l’équilibre, et ce à travers les tentatives répétées de faire le poirier et la recherche d’une combinaison vestimentaire impossible. Le changement, le mouvement, la rupture puis la création, et la mise en avant du corps, peuvent traduire une certaine fragilité de cette femme qui ne parvient pas à trouver l’objet de ses recherches.
La deuxième artiste, elle, nous emmène à travers une expérience sonore très désagréable. Sur fond de sons qui simulent le raffut d’une rue agitée, cette artiste produit, en jouant avec les câbles électriques reliés à un haut-parleur, des sons stridents, parfois très aigus, et difficilement supportables. Ces bruits sont entrecoupés de phrases que l’artiste prononce de temps à autre à l’aide d’un micro. Rose raconte une histoire, celle d’une fille déprimée, seule, qui dans ce milieu urbain, tente de trouver la quiétude, mais également une oreille attentive qui saurait l’écouter. L’artiste termine sa performance en écrivant ces mots : « Crier, faire du bruit, c’est important. » Cet appel, presque désespéré, projette un besoin de mise en avant de l’ego, traduisant également la fragilité du personnage représenté par l’artiste.
En somme, les performances de la RIPA sont des manifestations du corps sous différentes formes, et nous poussent à la réflexion et à l’analyse, par leur caractère quelques fois déconcertant.