L’Euro 2016 débute en France dans un contexte difficile, dont il a du mal à se détacher.
La presse, française comme étrangère, se plaît à le répéter : cet Euro, c’est bien plus que du football, va bien au-delà de l’enjeu sportif. Pour une société française aux moult tumultes, c’est une échappatoire possible aux grèves, inondations et menaces terroristes auxquelles répondent le terrain et son ballon rond. Il faut que la France se fasse belle même, pour ces hordes de supporters venant de toute l’Europe, auxquels il ne faudrait pas donner une mauvaise image du pays. Il serait dommageable pour la société d’avaler la notion préconçue d’une France anti-réformiste et perpétuellement en grève, qui semble être propre à de nombreux organismes de presse étrangers.
Forte politisation
Ainsi, politiques de tout bord tentent de « récupérer » un événement dont la popularité contraste fortement avec celle de la classe politicienne française. Tous, sauf l’extrême droite, qui dit ne pas reconnaître dans cette équipe de France bigarrée une image représentative de la patrie.
Rien d’étonnant donc à ce que toute une société retienne son souffle, un bon résultat de l’équipe nationale serait une aubaine. Sûrement, cela redonnerait un élan à l’économie, cela revigorerait une nation divisée, qui sort d’une année difficile marquée par une actualité terrible. Le sport, la meilleure des catharsis à grande échelle, pour exorciser une peur qui remonte au 7 janvier 2015 mais aussi au 13 novembre et l’attentat échoué du stade de France – les terroristes ayant failli à rentrer dans l’enceinte. Du moins au plus optimiste, de ceux même qui relativisent les possibles retombées économiques ou psychologiques d’une simple compétition sportive, tous conviennent de l’importance extraordinaire de cet Euro.
Le miroir d’une société
Après l’Euro ukrainien en 2012 et le mondial brésilien de 2014, l’Euro 2016 se voit lui aussi affublé d’une dimension politique et sociale majeure. L’équipe de France, favorite car à la maison, s’engage ainsi dans la compétition sous le poids d’une pression démesurée. S’y ajoute une récente polémique autour des intentions prétendument xénophobes du sélectionneur Didier Deschamps, qui aurait cédé, selon un joueur français d’origine algérienne non-sélectionné pour cause de démêlés judiciaires, face à des pressions racistes. Un tel débat paraît absurde, le monde du football — et du sport — est ce qui s’approche le plus d’une méritocratie, un joueur y monte les échelons grâce à son talent. En témoigne la présence dans cette équipe de France de plusieurs joueurs qui, voilà quelques années, labouraient les terrains de divisions françaises inférieures (Ligue 2, Nationale), et qui ne doivent qu’à leur travail leur réussite. Le problème du racisme en France est une situation grave et indéniable. Indépendamment de cette réalité, qu’un simple événement sportif donne lieu à une polémique futile et destructrice est révélateur d’un climat social tendu. L’Euro 2016, déjà porteur des espérances d’une nation, cristallise aussi ses peurs et ses fractures.
Les plus mécontents seront peut-être ceux qui par nature se désintéressent du football ou du sport professionnel dans son ensemble. Ils auront de bonnes raisons de se retrouver frustrés de la frénésie que provoque l’Euro. La disproportion entre l’Euro comme événement sportif et les attentes qu’il suscite doit en effet sembler irrationnelle à un observateur dépassionné.
Quel qu’en soit l’issue, cet Euro aura démontré, une nouvelle fois, à quel point le sport, et le foot tout particulièrement, se prête à la politisation, s’adaptant à l’actualité, celle des rues de Rio comme de Paris. L’importance qui lui est conférée par chaque frange de la société, de la classe politique aux classes populaires, tant irrationnelle soit-elle, nous interdit de considérer cet Euro 2016 comme simple événement sportif, que cela plaise ou non.