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Voyage en terre inconnue

Retour au pays pour Marilù Mallet.

Webmestre, Le Délit | Le Délit

La période est bien choisie : il y a maintenant un peu plus de 40 ans, en septembre 1973, la vie des Chiliens a basculé à l’issue du putsch du général Pinochet. Confrontés à un État soudainement devenu prédateur, nombreux sont ceux qui ont pris le chemin de l’exil, laissant derrière eux toute une existence. La cinéaste chilienne-québécoise Marilú Mallet en fait partie. Ce mois-ci, la Cinémathèque québécoise présente son documentaire Au pays de la muraille enneigée, une fresque du Chili qui exalte une perspective à la fois étrangère et familière. 

Entre rupture et continuité 

    Au pays de la muraille enneigé est avant tout l’histoire d’une recherche identitaire, celle de la réalisatrice mais aussi celle de son pays et de ses habitants : que reste-t-il de leur histoire commune ? Pour répondre à cette question, le film nous emmène à la rencontre d’individus que rien ne rassemble, et qui pourtant définissent l’identité chilienne. De l’architecte de Santiago à la communauté Mapuche en passant par les gauchos de Patagonie, les entrevues s’enchaînent mais ne se ressemblent pas, si ce n’est de par cette même nostalgie d’un âge d’or chilien. Une nostalgie partagée par Marilú Mallet, qui narre de façon très personnelle l’ensemble du voyage et nous dévoile son histoire, celle de sa famille et de ses ancêtres. Ce retour vers le passé permet de faire le point sur ce qui a changé et ce qui a perduré. Les images d’archives viennent occasionnellement se superposer à celles d’un Chili mondialisé que la cinéaste, après 40 ans d’absence, semble ne plus reconnaître. Entre ce passé glorifié et le présent, les années de dictature, elles, sont généralement évoquées à demi-mot. On peut cependant percevoir la marque qu’elles ont laissées sur une population encore très polarisée et qui peine à amorcer le dialogue.

c-argentine
Prune Engérant

Roadtrip au bout du monde 

La réalisatrice met ainsi en place une réelle dichotomie entre les changements qui se sont opérés dans une société prise dans le tourbillon de la mondialisation et la tranquillité manifeste des paysages de son pays natal. Au pays de la muraille enneigée est une véritable carte postale du Chili : la photographie est superbe et les grandioses plans de la nature chilienne sont intensifiés par la prose de Marilú Mallet. 

Cette dernière nous embarque à ses côtés tandis qu’elle sillonne le pays au gré de ses souvenirs, et c’est avec plaisir que l’on se balade, du centre-ville de Santiago au port de Puntas Arénas, des geysers d’El Tatio au glaciers de la Terre de Feu. À la manière des premiers explorateurs, la caméra affronte une nature puissante et indomptable, une manière, peut-être, pour la cinéaste, de rendre hommage à son ancêtre amiral. L’influence de la colonisation et des différentes vagues d’immigrations sur la construction de l’identité chilienne se ressent au fil de ses visites qui nous emmènent sur les traces d’individus qui ont chacun à leur échelle laissé leur empreinte sur le Chili. Un voyage somme toute captivant, dont les images s’attardent dans l’esprit du spectateur bien après sa sortie de la salle. 

Alors qu’elle traverse le désert d’Atacama Marilú Mallet compare les rivières souterraines de ce dernier à celles de l’âme humaine et nous fait part de sa mission : provoquer une réflexion identitaire à caractère universel. Pari réussi pour Au pays de la muraille enneigée  qui nous offre une belle échappée poétique et philosophique. ξ


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