Samedi dernier, le Centre Bell de Montréal accueillait un concert. En vedette : Usher, Half Moon Run, The Roots et Charlotte Cardin, pour ne nommer que ceux-là. Rien d’inhabituel. Ce qui était spécial à propos de ce rassemblement, mis à part un casting impressionnant, était la nature du concert. Il y avait deux manières de se procurer un billet : une plus conventionnelle, c’est-à-dire en achetant sa place, et une plus nouvelle, celle d’effectuer des actions pour combattre les maladies.
Ce concert, c’était celui du Fonds mondial (Global Fund, ndlr), une initiative visant à mettre fin au paludisme, au VIH/SIDA et à la tuberculose. Il y a quelques mois, il a été annoncé que Montréal serait l’hôte de la conférence de la cinquième reconstitution du fonds, qui se clôturerait par un concert en soirée. Acheter les billets étant plutôt dispendieux, à moins d’avoir un billet de courtoisie, il fallait passer à l’action pour y arriver.
Se souvient-on des seaux d’eau ?
Vous rappelez-vous de cette époque pas si lointaine lors de laquelle vous, vos amis, votre famille et vos collègues, vous êtes versé un seau d’eau glacée sur la tête pour combattre la sclérose latérale amyotrophique (SLA)? Alors que certains ont ridiculisé ce qui s’appelait le Ice Bucket Challenge, d’autres n’étaient que sceptiques quant à l’impact de tels gestes. Pourtant, les chiffres savent faire taire les critiques. En effet, cette campagne aura généré plus de 100 millions de dollars de dons, dont 16 millions au Canada. Pas mal, n’est-ce pas ?
L’initiative du Ice Bucket Challenge, si elle n’était pas la première campagne de sollicitation des dons par Internet, a innové d’une autre façon. Non seulement cherchait-on à récolter des fonds, mais on demandait également aux internautes de poser des gestes symboliques et concrets pour la cause. En effet, les vidéos mettant en vedette des personnes se jetant de l’eau sur la tête ont rapidement grimpé en popularité, créant un véritable raz-de-marée sur Internet. La campagne a donc adopté un modèle « action-don ». Certains n’ont fait qu’une vidéo, d’autres n’ont que donné de l’argent, alors que d’autres encore ont fait les deux. Dans tous les cas, on ne peut nier l’efficacité de la méthode.
La récompense pour l’action
À l’instar du Ice Bucket Challenge, l’initiative entourant la reconstitution du Fonds mondial demandait aux personnes intéressées de poser des gestes concrets. Le processus se faisait sur le site web du Fonds mondial. D’abord, il fallait regarder un court vidéo d’information sur les trois maladies et le Fonds, avant de faire un petit quiz sur le sujet. Ensuite, il fallait apposer sa signature sur une pétition électronique demandant aux leaders mondiaux de s’engager auprès du Fonds. La troisième étape était de leur envoyer un courriel. Quatrièmement, il fallait lancer un appel au premier ministre du Canada Justin Trudeau pour lui laisser un message concernant l’importance de la santé. Enfin, il fallait signer une deuxième pétition pour exprimer son soutien envers l’amélioration de la santé des jeunes filles et des mères. Cependant, contrairement au Ice Bucket Challenge, un don d’argent n’était pas demandé. Le réel objectif était que l’opinion publique — ici les personnes allant au concert et suivant toutes les démarches citées précédemment — effectue une pression sur les personnalités publiques pour que ces dernières libèrent des fonds pour la cause. On s’adressait ici autant aux États, développés ou en voie de développement, qu’aux riches individus tels que Bill Gates.
Plutôt que de se faire demander leur argent, monsieur et madame tout le monde recevaient au contraire une récompense pour leurs actions. En effet, toute personne qui complétait les cinq étapes énumérées sur le site web du Fonds mondial courait la chance d’obtenir une paire de billets pour ce concert mettant en vedette plusieurs célébrités musicales et personnalités publiques. Ainsi, on a ici privilégié le modèle « action-récompense ».
Le don et la récompense
Enfin, pour un exemple de modèle « don-récompense », on peut se tourner vers le domaine politique. En effet, le Parti libéral du Canada, comme en témoigneraient ceux qui détiennent leur carte de membre, envoie quotidiennement des courriels. Dans ces communications, on retrouve généralement une demande de don en argent, et des offres de produits à l’effigie du parti en échange d’un don d’un certain montant. Il semblerait donc que la formation politique ait opté pour le modèle « demande de dons-récompense ». Ainsi, ils profitent du fait que le chef de cette formation, également premier ministre, soit extrêmement populaire auprès du public pour recruter des membres et demander des dons. Certes, il y a parfois des offres un peu moins abordables, comme celle d’offrir un t‑shirt pour tout don de 99$ ou plus, mais un crédit d’impôt sur le don est tout de même offert. Ce n’est pas parfait, mais c’est novateur.
Le financement est un phénomène universel. Il est présent dans toutes les sphères et strates de notre société. Que ce soit pour démarrer sa start-up, pour financer une campagne politique, ou alors à des fins humanitaires, on cherche sans cesse de nouvelles méthodes pour lever des fonds ou pour convaincre les individus de passer à l’action. Par la récompense, l’action, la sollicitation de dons, ou alors différentes combinaisons de ces trois méthodes, on cherche à faire avancer des causes. L’activisme, qu’il soit politique, social ou humanitaire, ne manque certainement pas de créativité.