Tout le monde connaît quelqu’un dans son entourage qui a étudié à l’étranger, que ce soit au lycée ou à l’université. Cette personne a certainement dû insister pour vous montrer ses photos, et ne cesse pas de détailler son expérience « incroyable et inoubliable ». Mais l’expérience stéréotypée des études à l’étranger n’est pas aussi épanouissante que l’on voudrait le croire.
Lorsque j’ai moi-même décidé d’aller en échange à Strasbourg, je cherchais à améliorer ma connaissance de la langue et de la culture française, et ce en m’intégrant dans la société étudiante : je souhaitais vivre une année complètement franco- phone. Mais ça n’a pas été facile.
L’omniprésence anglophone
L’université de Strasbourg accueille plus de 44 000 étudiants chaque année, et 20% d’entre eux sont des étudiants étrangers. Cependant, malgré leur impor- tance dans le corps étudiant, ils restent à la marge de la société étudiante. Trop souvent, ils finissent par rester entre eux à cause de leur lien commun principal : l’anglais. Et pourtant… l’anglicisation de l’Europe saute aux yeux, quand on entend les français se lancer des « what’s up ?» ou quand on entend une Finlandaise et un Russe qui se parlent dans un anglais digne d’un londonien bien british. Ce n’est alors pas surprenant qu’il y ait 750 millions de locuteurs qui parlent l’anglais en tant que langue étrangère, selon David Crystal, l’auteur de English as a Global Language.
Ce conflit linguistique ne nous est pas étranger : au Québec la loi 101 a été établie pour lutter contre les anglicismes, et en France quelques personnes tentent en vain de résister encore et toujours aux mots envahisseurs comme le smartphone, le week-end, ou encore stop, job… Bien sûr, ce conflit n’est pas sans avantages : la globalisation favorise la communication et la compréhension entre les cultures. L’échange interculturel n’est pas un phénomène nouveau et beaucoup pensent que c’est essentiel pour une éducation plus globale, et pour encourager une plus grande ouverture d’esprit.
Vents contraires
Cependant, cette unité pousse à l’unicité culturelle et menace la survie d’autres langues. C’est la nature humaine d’être attiré par ce qui est familier mais aussi ce qui est « cool », et l’anglais représente maintenant les deux…
Une autre étudiante de McGill qui était aussi en échange à Strasbourg dit : « Je suis d’accord que l’anglicisation du monde affecte les études à l’étranger d’une manière négative. Les écoles — surtout dans des pays anglophones — devraient être plus strictes quant au niveau de langue pour ses étudiants partant en échange. […] J’ai observé beaucoup d’étudiants qui parlent très peu ou pas du tout français…» Sans un niveau courant, ces étudiants vivent une expérience semblable à celle de touristes : ils se retrouvent plongés dans une culture étrangère — mais aussi étrangement familière.
Néanmoins, selon Evin, tout n’est pas perdu : « J’ai tout de même observé les effets positifs de la mondialisation quand j’ai assisté aux événements multiculturels organisés par nos hôtes français, qui promouvaient la diversité. La réceptivité, l’ouverture d’esprit, et l’ambiance d’échange culturel étaient présents dans la société française.» Pour un anglophone qui veut sortir de sa zone de confort, les études à l’étranger valent la peine. Par contre, à cause de l’anglicisation de l’expérience de l’étudiant à l’étranger, des expériences linguistiques authentiques deviennent de plus en plus ardues à trouver.