Mercredi soir, 20h00. Des centaines d’étudiants quittent Concordia, mais un groupe d’irréductibles guerriers reste sur les lieux. En effet, dans le Reggies Bar (le Gerts local), une petite foule hétéroclite se rassemble. On y voit aussi bien des chemises que des sweats, et plusieurs casquettes à l’envers donnent un avant-goût de l’événement à venir.
Une heure plus tard, les lieux étant bien remplis, commence alors cette « rap battle pour la justice climatique », qui a lieu pour la quatrième année consécutive. Dès le début, Meryem Saci, une des organisatrices, met les choses au clair : si on a l’habitude d’associer le rap à des paroles sexistes, discriminatoires ou insultes en tout genre, ici, ce sera un « safe space » (espace sécuritaire, ndlr). Le seul sujet à aborder, et dans le respect de tout un chacun, c’est le débat autour du changement climatique.
Divertissement et argumentation
Avant même la première chanson, un jeune homme bien coiffé et à la cravate ajustée me donne un (faux) billet de 100 dollars à son effigie. « Je compte sur toi pour me soutenir pendant la bataille », me déclare-t-il. Il fait un petit tour parmi les invités en distribuant les mêmes billets.
Je comprends mieux quand il s’installe sur scène. Il représente le lobby pour pétrolier — aux côtés de son ami, le représentant du lobby des banques — et a peu de succès face au représentant des activistes pour l’environnement. La rap battle commence, les mots s’enchaînent. Leur flow époustouflant ne permet pas de comprendre toutes les phrases, mais se dessinent rapidement, entre quelques blagues et une véritable mise en scène comique, de véritables arguments. Un chanteur nous rappelle la manière la plus directe d’agir : changer notre manière de consommer : « Acheter, c’est voter ».
Car les chansons suivantes, qui mélangent anglais, français, et même portugais, nous invitent toutes à réfléchir sur la situation actuelle. « Nous savons que vous êtes venus avec un certain état d’esprit, mais soyez objectifs et écoutez les arguments », nous propose avec enthousiasme l’animatrice de la soirée.
McGill fait même quelques brèves apparitions, avec le groupe Divest McGill , qui rappe et rappelle à notre université que tant qu’elle conservera ses investissements dans l’industrie fossile, « nous brûlerons nos diplômes ».
Justice climatique sous tensions
Mais derrière ce concert où l’ambiance est au rendez-vous, l’organisateur principal, Dan Parker, nous rappelle qu’il s’agit de faire prendre conscience de la gravité de la situation environnementale, notamment au Canada, où il juge que les communautés autochtones sont directement menacées.
Il invite le public à faire des dons, et une heure et demi plus tard, plus de 600 dollars étaient récoltés. Vanessa Gray, une activiste des Premières Nations, déjà intervenante dans une conférence pour Divest Week, témoigne ; estimant subir les conséquences d’un système raciste, néocolonialiste et injuste : sa communauté vit près de la vallée de la chimie (voir l’article ci-dessus), mettant en danger la santé de ses habitants.
Le défi est gagné : celui de mobiliser les jeunes autour de la lutte pour la justice climatique et la défense des minorités.