Le duo électro français Paradis (Simon Mény et Pierre Rousseau) a sorti son premier album le 23 septembre dernier, intitulé Recto Verso. Attendu depuis longtemps — la sortie était initialement prévue au printemps — cet opus est le fruit de près de quatre ans de travail. Les titres rassemblés forment un ensemble cohérent, un « album à chansons » comme le décrit Simon Mény.
Un style paradis
Formé en 2011, Paradis a d’abord sorti des titres au compte-gouttes chez Beats in Space Records de Tim Sweeney, avant un E.P. qui annonçait Recto Verso, Couleurs primaires, sorti l’année dernière pour leur arrivée chez Barclay.
Mêlant les styles et les influences, allant de la chanson française des années 80 à la house, en passant par la pop, Paradis propose des morceaux dans la lignée de ce qu’ils ont pu faire depuis cinq ans, avec ce sentiment de première fois qui accompagne l’album. Une jetée à l’eau — symbolisée par la couverture — où l’on retrouve l’innocence et la vulnérabilité qui fait la grâce de leur musique aérienne. En ce sens, le titre qui ouvre Recto Verso, « Instantané », constitue une sorte d’auto-référence, une confession esthétique dans laquelle le groupe revendique sa fragilité. « La voix toujours un peu filtrée / Pour étouffer la timidité », « Une simple chanson pour résumer » chante Simon Mény de sa voix lancinante, emmenée par les synthés et les basses de Pierre Rousseau.
Tableau musical
La réussite essentielle de l’album, au-delà des qualités particulières de chaque chanson, est l’ensemble que toutes ses parties forment. Au fil des titres, Paradis tisse les motifs du double, de l’autre, de la possibilité ou l’impossibilité de la relation avec l’autre. Il y a bien-sûr les chansons d’amours passées, comme « Garde le pour toi » que l’on retrouve avec plaisir après Couleurs primaires, ou encore le single « Toi et Moi ».
D’autres chansons prolongent le mouvement entamé dans « Instantané » et évoquent la vulnérabilité sous toutes ses formes ; d’abord en tant qu’être humain devant un autre être humain, dans la relation amoureuse, mais aussi pour le groupe qui présente son travail pour la première fois. Le diptyque « Miroir » est exemplaire : reprenant le thème obsédant du double, scindant l’album en deux, il y a dans « Miroir » Un et Deux ce qui fonde la particularité de Paradis : un refus de la facilité, des formules toutes faites, au profit d’une esthétique qui n’appartient qu’à eux. On reconnaît Paradis (« Je cherche […] une chanson comme un miroir / Dans lequel je peux me voir ») même si l’on ne connaît d’eux que quelques chansons, comme ma colocataire qui me demanda « C’est Paradis ça nan ? » un jour où j’en écoutais.
Il y a donc une manière Paradis, un collage spécifique d’influences, sans frontière mais cadrée tout de même par ce qui fait leur force : la dénudation de leur sensibilité dans des textes en français, faussement naïfs, portés par la voix grave et fragile de Simon Mény et les instrumentales French Touch de Pierre Rousseau. Comme le rappelle le duo en entrevue, Paradis ne ressemble pas à ce qu’ils feraient chacun de leur côté, mais est plutôt un équilibre précieux construit à deux, comme un couple.