La mode est pour certains une industrie rouillée, infranchissable. D’aucuns regardent les défilés des plus grandes maisons comme un endroit qui se réduit au show-off des célébrités en Louboutins. Mais la mode se limite-t-elle à cela ? Peut-on encore croire en la mode comme en un outil de modernisation de notre société ? Les créateurs sont-ils forcés de rester dans les sentiers battus construits à l’âge du passé glorieux d’Yves Saint Laurent ou de Coco Chanel ? Ou peuvent-ils suivre les pas des plus grands révolutionnaires comme Sonia Rykiel ou Jean-Paul Gautier ?
Une industrie qui bouge
Le mois dernier, Milan accueillait de nouveau une Fashion Week pour les collections Printemps/Eté 2017. Les créateurs s’arrachaient une place parmi les plus grands, espérant connaître un succès fulgurant et rentable, alors que les grandes maisons devaient faire de la place dans la première rangée pour de plus en plus de blogueurs, artistes, égéries et autres « icônes de la mode ».
La Fashion Week de New York s’achevait quelques jours avant. Étant l’une des plateformes les plus importantes de la mode, elle nous permet de faire un point sur cette industrie, à une époque de changement et de modernisation.
Alors que le défilé de Marc Jacobs a été accusé d’appropriation culturelle, parce que faire porter des dreadlocks à ses mannequins n’était finalement pas un « fashion coup » mais un « fashion faux-pas », Anniesa Hasibuan a réussi à démocratiser le hijab en le rendant en vogue.
Une plateforme tournante
De plus en plus de grandes marques encouragent de jeunes créateurs à prendre leur direction artistique afin de donner un nouveau souffle à leur maison. Raf Simons incarne cette nouvelle vague : s’il n’est plus reconnu comme un jeune créateur, pour une maison comme Dior, il l’est. Il a réussi à rendre à Dior sa juste valeur, même si après trois petites années, il a préféré partir. Il a poussé la marque à explorer de nouvelles matières, de nouvelles couleurs, tout en restant chic après les déboires et les extravagances de John Galliano. Son défilé Automne/Hiver 2012–2013 à la Fashion Week de Paris était l’un de ses plus grands : de la décoration de la salle aux créations chics et originales à la fois, les critiques furent unanimes quant à sa place importante et indispensable dans la mode d’aujourd’hui.
À l’inverse, Karl Lagerfeld est toujours à la création de Chanel, réalisant quatre collections par an. Malgré une gloire interminable, utilisant des outils modernes pour garder sa notoriété — comme par exemple prendre pour égérie Cara Delevingne ou Lily-Rose Depp — ses collections sont de plus en plus redondantes. Le Grand Palais servant de place centrale pour dévoiler ses créations, ses défilés ne changent pas, les matières restent les mêmes, et quand il prend un risque sur les couleurs, ce n’est pas toujours réussi : le défilé Centre commercial de Chanel (Chanel Shopping Center, ndlr) de Prêt-à-porter Automne-Hiver 2014–2015 mêlait ainsi une ambiance froide et étrangère à l’émotion d’un défilé réussi de Chanel. Cependant, critiquer Chanel est assez difficile, parce que les standards que nous lui imposons sont extrêmement élevés : la Cruise à Cuba pour la collection 2016/2017 ou le Paris-Rome 2015/2016 étaient l’essence même de Chanel – à la fois chic, dans l’air du temps et décontracté.
Finalement, quelle est la mode d’aujourd’hui ? Après avoir regardé les défilés de la Fashion Week de New York, les petits créateurs s’inspirent des plus grands, mais tout en ajoutant une touche d’audace et d’originalité : ils réussissent à créer une nouvelle génération artistique, une génération moderne et indispensable pour le renouvèlement créatif de la mode. Faire de la place pour de nouveaux créateurs, des créateurs sortis tout droit des plus grandes écoles de mode autour du monde, c’est encourager à croire en la mode, en son futur, comme étant une entreprise qui bouge, et qui révolutionne les mœurs et les stigmas.