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Tutoriel : Comment avorter

Avortement en ligne nous livre le récit d’un combat.

MC2

Le 28 septembre était la Journée mondiale pour la dépénalisation de l’avortement. À cette occasion, le documentaire La Linea Del Aborto (Avortement en ligne), du réalisateur Fernando López Escrivá, a été projeté simultanément dans plusieurs villes du monde

Contexte difficile, combat clandestin

Les premières images du film montrent des tags sur le sol et sur les murs de la ville de Concepción. On y lit : « Avortement – Informations sûres – 83 91 85 86 ». Souvent, le numéro de téléphone a été effacé ou rendu illisible par les autorités. Au Chili, la loi concernant l’avortement n’a pas changé depuis les années de dictature de Pinochet (1973–1990). L’avortement y est prohibé et sanctionné quelles que soient les circonstances, – qu’il s’agisse d’une négligence – ou qu’il s’agisse d’un viol.

Les autrices des tags sont un groupe de femmes bénévoles que la caméra suit de près. En plus de leur travail, elles investissent leur temps dans La Linea Del Aborto, une ligne téléphonique visant à apporter l’information nécessaire aux femmes souhaitant avorter. Ces femmes n’ont qu’une seule option : avorter seule, chez elle, et prier pour qu’il n’y ait pas de complications. La ligne leur explique le protocole à suivre.

Un gouvernement lent, une Église influente et surtout… une mentalité machiste

Comment — alors que le Chili est un État démocratique, et que l’opinion publique est en faveur de l’avortement — avorter peut-il être encore interdit ? Premièrement, comme l’explique si bien dans le documentaire l’une des bénévoles de la Linea, le gouvernement chilien est lent à concrétiser ses promesses : « Ce que nous faisons est à des années-lumière de ce que les politiciens font, déplore-t-elle. Nous avons sauvé des vies, tandis qu’eux en sont encore à décider si l’avortement va ou non faire l’objet d’un débat ». Deuxièmement, l’Église catholique est très présente au Chili. Cette présence est rappelée tout au long du film par des entrevues avec des prêtres influents. Ceux-ci expliquent qu’un embryon de 1 millimètre est déjà une vie, et que provoquer sa mort est criminel. Enfin, une mentalité machiste pèse sur les Chiliens. Le cas tragique de l’adolescente qui — après avoir été abusée par le même homme pendant plusieurs années — est poursuivie en justice pour avoir caché son bébé dans un tiroir, tandis que le violeur, lui, est laissé libre, montre bien le poids des valeurs misogynes.

Des teintes d’espoir

Malgré la présence de forces conservatrices, plusieurs passages du film sont porteurs d’espoir. L’un de ces passages se déroule sur une place publique, lors d’une manifestation contre les violences infligées aux femmes et pour l’avortement légal. Un passant explique trouver contradictoire de condamner à la fois la violence et de l’inciter contre une vie innocente et sans défense — l’embryon. Une passante lui lance : « Et ensuite, si l’enfant naît, et que le copain est parti, qui s’en occupe ? La mère ?». « C’est son problème » répond-t-il. Et à la passante de répliquer : « Donc tu veux décider de la naissance, mais après ça tu ne te sens plus concerné ?». « C’est aussi aux hommes de mettre leur capote, la femme n’est pas la seule responsable de la vigilance !» ajoute une des femmes de la Linea. Le passant finit par réfléchir. « Peut-être », admet-t-il. Une concession qui étonne et attendrit, prouvant l’efficacité de l’activisme individuel des manifestantes, et donnant l’espoir d’une évolution des mentalités.

Enfin, une mentalité machiste pèse sur les Chiliens. Le cas tragique de l’adolescente qui — après avoir été abusée par le même homme pendant plusieurs années — est poursuivie en justice pour avoir caché son bébé dans un tiroir, tandis que le violeur, lui, est laissé libre, montre bien le poids des valeurs misogynes.

Un documentaire proche du film et un réalisateur chaleureux

Ce documentaire pourrait être un film d’action tant les plans se suivent avec fluidité. L’humour de certaines scènes et l’énergie débordante des femmes de la Linea contribuent également à donner cette impression. Une spectatrice a d’ailleurs tenu à témoigner son admiration à la fin de la séance : « C’est un film magnifique. Merci beaucoup ». Oui, le réalisateur a pu accueillir ce remerciement : il se trouvait dans la salle, prêt à répondre aux questions ! Fernando López Escrivá est en effet montréalais depuis 12 ans. Argentin d’origine, c’est dans ce pays qu’il a d’abord observé les conséquences pour certaines femmes de l’interdiction d’avorter, le menant finalement au Chili où la loi concernant l’avortement est encore plus stricte et punitive.

Le geste que M. Escrivá a eu à la fin de la séance, celui de prendre la salle de cinéma en photo, est à la fois chaleureux — il est rare de sentir mis en vedette en tant que spectateur — et aussi peut-être symbolique : l’important, plus que le film en lui-même, est l’impact qu’il a sur son public. En l’occurrence, celui de le faire réfléchir, ainsi que lui faire prendre conscience d’enjeux réels. Et, potentiellement, celui de s’engager pour la cause ?

Pour les lecteurs souhaitant creuser le sujet et les thèmes effleurés par cet article, il est encore possible de regarder La Linea Del Aborto en ligne sur le site de MC2. Tout l’argent de la vente et de la location du film sera reversé à l’organisme de la Linea.


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