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Des femmes, la vie, Montréal

Port Littéraire

Chloé Anastassiadis | Le Délit

Deux amies libraires s’enflamment au sujet d’un petit livre à la pochette florale rouge, dans un style papier peint vintage. Elles restent ébahies par la qualité de ce premier recueil de nouvelles de Chloé Savoie-Bernard. Après lecture, Des femmes savantes épate effectivement par la maturité de son écriture, qui n’est pas sans rappeler des auteures comme Nelly Arcan ou Josée Yvon. Composé de douze nouvelles et de deux listes, ce livre dépeint les aléas de la vie de plusieurs femmes dans leur quotidien, mais aussi dans ces moments où tout bascule.

« Cette fois-là, comme toutes les autres fois, je n’ai pas eu honte d’être de la race des inconscientes, de ces filles que les autres filles jugent, que les garçons s’échangent. » Ces femmes et ces filles connaissent les conventions sociales ; elles les regardent avec du recul, sans toutefois pouvoir y échapper totalement. Pour l’une d’entre elles, c’est une mise à nue, figurative, qui nous apparaît dans sa journée hebdomadaire sans maquillage. Pour une autre, le regard de la lentille se pose sur une mise à nue littérale, où le corps s’expose dans un shooting « pour la fragrance de la marque maison d’une pharmacie qui veut se croire bien in parce qu’elle va proposer comme tout le monde une publicité de nue racoleuse. » Dans tous les cas, le texte surprend par sa lucidité ; des sujets aussi divers qu’un voyage au Mexique ou une baise sans lendemain deviennent autant d’opportunités de discours, présentant une réflexion neuve, en marge des lieux communs.

La langue de Chloé Savoie-Bernard baigne dans les sonorités du 514 : un français montréalais teinté d’anglais, qui résonne parfois d’une poésie trash — rappelant son premier livre, un formidable recueil de poésie intitulé Royaume scotch tape — invite le lecteur dans un univers contemporain, amplifié par des références à la culture pop du moment. Courtney Love, le eye-liner de Lancôme et le Jacob du centre-ville deviennent autant de fils conducteurs du récit, flirtant souvent entre le comique et le tragique : « Les auteures de chick lit ne se suicident jamais, ce sera un soulagement, il me tarde de commencer à rêver à mon prince charmant et non plus de rêver à mourir ». La violence, tout comme la sexualité, ne sont pourtant jamais bien loin, sorte de tons sous-jacents à la majorité des nouvelles. « Être une chatte », qui présente dans toute sa splendeur les talents de l’auteure, offre d’ailleurs une piste de compréhension de l’ensemble de l’œuvre en traitant directement de la fine limite entre érotisme et violence. « Quand on fourrait, si je donnais un élan à sa main pour qu’il me l’envoie en pleine face, il ne résistait pas. » 

Les nouvelles contenues dans Des femmes savantes explorent la réalité de la femme d’un point de vue jeune et dynamique. Les sujets varient d’un texte à l’autre, mais semblent toujours portés par une même ligne directrice et par une parole qui lui est propre, doux mélange de poésie et de sonorités montréalaises. Ce premier recueil de Chloé Savoie-Bernard, en plus de sa pochette instagram friendly, se démarque dans la rentrée littéraire québécoise. 


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