Cela fait près de cinq mois que le meilleur d’entre nous nous a quitté. Harambe, mort sous les balles au zoo de Cincinnati le 28 mai dernier, après la chute d’un enfant dans son enclos. Mais le gorille n’a pas été oublié, bien au contraire. L’horreur de ce scandale international a provoqué un cri de douleur résonnant dans le monde entier, et qui peut encore être entendu aujourd’hui par le biais de « memes », outil de communication ultime de notre ère. En effet, les communautés YouTube, Reddit, Tumblr, 9gag et bien d’autres nous rappellent à tous que notre gorille préféré vit toujours dans nos cœurs, et qu’il en sera ainsi tant que nous ne l’auront pas oublié. Le souvenir d’Harambe restera imprimé dans la mémoire collective grâce à ces memes qui coulent à flot ainsi qu’à des événements ponctuels tel que le « Harambe Candlelight Vigil » qui a eu lieu le 13 octobre au soir à McGill, et qui a réuni une cinquantaine de personnes.
Les anti-Harambe se manifestent
Cependant, memes et commémorations ne sont pas du goût de tout le monde. Il y a ceux qui voudraient que l’image d’Harambe s’efface de nos esprits, qu’on l’oublie. Ils ne veulent pas voir notre douleur s’exprimer en public ou sur les réseaux sociaux. Bien-sûr, il y a ceux qui sont simplement agacés parce qu’ils ne trouvent pas la blague drôle, mais ce ne sont pas ceux que j’évoque. Ceux dont je parle sont plus sérieux, ils ont même des vrais arguments ! Tremblez pauvres mortels, ils invoquent le racisme !
Les raisons des protestations
Ces défenseurs des bonnes mœurs affirment ainsi que parce que l’enfant tombé dans l’enclos était noir, s’indigner devant la mort du gorille revient à déclarer que la vie du gorille a en fait plus de valeur que celle d’un enfant noir… Ils demandent l’annulation des événements et l’arrêt des memes, en plus de l’aveu de leur caractère raciste. Avant de répondre à ces infâmes accusations, je tiens à féliciter ces nobles justiciers, qui viennent de prendre au sérieux un meme, ce qui suscitera toujours les pires réactions d’Internet. Génie.
Là où ça coince…
Comme l’a fait remarquer le public après la parution de cet article comportant ces attaques abjectes, tout le monde ignorait la couleur de peau de l’enfant. D’après un sondage tout à fait sérieux réalisé sur la population de mon appartement, environ 0% des gens étaient au courant de ce fait. L’ethnicité de l’enfant est d’ailleurs à peine visible sur la vidéo originale. Le fait de s’en être rendu compte, contrairement à la majorité des gens, pourrait laisser penser à un lecteur sans trop de contexte que nos critiques font elles-mêmes preuve de racisme d’une certaine manière. Oui, c’est l’argument du « c’est celui qui dit qui est », j’assume. Alors bien-sûr, la couleur de peau d’une personne dans une affaire judiciaire n’est pas toujours anodine. Par exemple, noter que la vaste majorité des victimes de la police aux États-Unis sont noires montre qu’il y a — peut-être — un tout petit problème de racisme dans cette institution. Mais noter la couleur de peau de l’enfant dans l’affaire Harambe suggère une division systématique des individus selon leur ethnicité, qui est, elle, souvent symptomatique de sentiments imbibés de racisme.
Les problèmes que cela amène
Leurs arguments participent par ailleurs à discréditer les vrais mouvements antiracistes tels que Black Lives Matter qui, eux aussi, demandent à ce que l’on prête attention à l’ethnicité des personnes concernées dans les affaires sérieuses. La défense des personnes de couleur mise en place par nos admirables héros est donc contre-productive… Ces attaques insultent aussi les mouvements de protection des animaux, chers à ma mamie, puisqu’elles ignorent l’indignation du public face à la mort évitable d’une espèce en voie d’extinction. L’on n’aurait donc pas le droit de simplement protester contre la mort évitable d’un animal ? « Faut pas tuer les bêtes, les pauvres », a dit un jour un gamin de six ans.
Réponse du public
Fort heureusement, la quasi-totalité des réactions face à l’avis de nos protagonistes fut la critique de leurs propos. Nos compatriotes mcgillois, par le biais de ces critiques, perpétuent ainsi la mémoire de notre primate adoré. Repose en paix vieil ami, tu es vengé. À Harambe.