Dans la foulée des agressions sexuelles survenues la semaine dernière dans les résidences de l’Université Laval et des récentes allégations d’agressions portées à l’endroit du député libéral Gerry Sklavounos, le Québec a été le théâtre de l’éveil d’un mouvement populaire dénonciateur d’une insouciance collective. L’expression « culture du viol » a effectivement animé plusieurs plumes ces derniers jours et fait mouvoir plusieurs lèvres indignées. Le Québec avait d’ailleurs été écorché plus tôt cette année lorsque plusieurs femmes autochtones avaient brisé leur silence en dénonçant les abus sexuels de policiers dont elles avaient été victimes. Il ne faut pas non plus oublier les dérapages survenus dans plusieurs universités québécoises lors des dernières initiations étudiantes, initiations qui ont trop souvent tourné en activités d’humiliation et d’agressions sexuelles contre les initié•e•s.
Alors que les dénonciations et manifestations se succèdent au Québec, le sujet résonne jusque dans les débats de la présidence américaine ; le sujet pourrait bien s’avérer déterminant dans la course à la présidence à la Maison-Blanche. Effectivement, bien que l’image d’Hillary Clinton soit ternie par les allégations à l’égard de son mari, c’est surtout le candidat républicain Donald Trump qui est au cœur de cette problématique, lui qui voit ses chances d’accéder au Bureau ovale s’effriter suite aux accusations d’agressions sexuelles portées contre lui.
Décortiquer la culture du viol
L’expression rape culture a fait son apparition dans les années 1970 lors de la seconde vague du mouvement féministe américain. Plusieurs chercheurs•euses soutenaient l’existence d’une corrélation entre le viol et une société où prévalent des attitudes et pratiques qui tendent à tolérer, cultiver, voire excuser la violence sexuelle. Alors que l’expression vient de faire son entrée dans le lexique québécois, plusieurs prennent position en affirmant que cette idée ne colle pas au Québec et qu’elle se veut être une exagération, s’inscrivant dans la branche la plus radicale du féminisme. La culture du viol est-elle déraisonnable ou surfaite au Québec ? Certains peuvent se poser la question, mais l’indignation, elle, se fait assurément sentir ! Les déclarations comme « On vous croit ! » ou encore « Mon corps, mon choix ! » résonnent depuis maintenant deux semaines pour dénoncer la banalisation des abus sexuels et le mépris persistant envers les femmes.
Perspectives d’avenir
Soumis à la pression d’agir dans la foulée des derniers événements, le gouvernement libéral du Québec a fait l’annonce qu’il investirait 44 millions de dollars dans une Stratégie contre les violences sexuelles. En plus de servir à la prévention et à la recherche, l’argent investi servira à mieux outiller les intervenants et à accompagner les survivant•e•s tout au long du pénible processus.
Par ailleurs, dans une société où il ne suffit que d’un clic pour accéder à une pornographie qui propage une image trop souvent dégradante de la femme, d’autres groupes réclament aussi le retour des cours d’éducation sexuelle obligatoires pour les adolescents, question de démystifier les principales idées préconçues et principaux tabous de la sexualité.
En fin de compte, qu’il s’agisse d’une culture ou non, cette récente prise de conscience collective montre qu’il faut s’attaquer sans tarder à la banalisation des agressions et autres abus sexuels, surtout lorsque l’on réalise que cette marginalisation a mené plusieurs jeunes femmes à se dissocier de mouvements féministes, de peur d’être méprisées.