Nous sommes Paris, parfois Alep, mais rarement Djouba. Pourquoi certains attentats sont grandement médiatisés alors que certaines guerres ou crises humanitaires sont gardées dans l’oubli ? À une époque où l’information se déplace à un rythme effréné et sur une étendue sans précédent, comment expliquer que nous ne soyons pas au courant des catastrophes qui perdurent dans le monde ?
C’est sur cette thématique que se penche l’Association québécoise des organismes de coopération internationale durant la 40e édition des Journées québécoises de la solidarité internationale qui se déroule sous le thème « À humanité variable ».
Couverture médiatique imparfaite
Durant le panel d’ouverture, journalistes, académiques et représentants d’ONG se sont interrogés sur le rôle des médias dans la compréhension du public des enjeux internationaux, et par-là ont cherché à savoir si l’importance d’une nouvelle est proportionnelle à sa médiatisation.
En ouverture, la ministre québécoise des Relations internationales, Christine St-Pierre, s’étonnait d’ailleurs de rappeler qu’en 2015, les questions mondiales représentaient moins de 4% de la couverture médiatique au Québec alors que les sports en représentaient au moins 16%.
Pour Justine Lesage d’Oxfam-Québec, « un monde idéal serait un monde où l’on serait tous au courant de ce qui se passe partout sur la planète, pas seulement les attentats, les crises ou les ouragans ». La ministre renchérit dans la même optique en mentionnant que « le choix des sujets et la manière de les traiter est une problématique importante. Il est parfois malheureux de constater que lorsque les pays du sud font la manchette, c’est souvent pour relater une guerre ou une famine, créant une image négative et présentant ces populations comme des victimes passives ». De là l’importance de faire valoir les initiatives des organismes de solidarité sur le terrain.
Journalisme restreint et biaisé
Du côté des journalistes, on ne s’en cache pas, de nombreuses contraintes pèsent sur leur travail. Une limite majeure est la notion de « mort kilométrique » selon laquelle un accident impliquant une seule personne dans le centre-ville de Montréal suscitera une plus grande attention de la part du public que 30 morts au Pakistan. On mentionne également l’importance de « l’angle canadien », c’est-à-dire ce besoin presque obsessif de constamment trouver comment un certain sujet de reportage est important aux citoyens canadiens. C’est ainsi que la Syrie est devenue plus « à la mode » lorsque le Canada a proposé d’accueillir des réfugiés.
Les médias, de par leur contact direct avec le public, se voient confier un rôle de divertissement. Ainsi, avec un public cible, des algorithmes de réseaux sociaux, une ligne éditoriale et une nécessité de vulgariser l’information, on limite les sujets « intéressants ». De plus, si on n’arrive pas à avoir d’images, l’intérêt du reportage diminue.
Quelles solutions ?
Lisa-Marie Gervais, journaliste au Devoir, a mis en avant l’idée que l’existence de ces contraintes n’empêche pas que les journalistes aient l’intérêt public et la sensibilisation à cœur. La réalité est que ces contraintes existent et qu’un biais semble inévitable dans la sélection des sujets des reportages. Les journalistes se retrouvent confrontés au dilemme de transmettre l’information de manière imparfaite ou ne pas la passer du tout. L’on peut également se demander si avoir un débit plus important de nouvelles internationales engendrerait réellement une plus grande consommation de nouvelles de la part d’un public visiblement déjà pressé.
Tous se sont entendus pour dire qu’il y a de l’espoir quant à une plus grande collaboration entre les ONG, les médias et le public afin d’en arriver à un public plus alerte et mieux informé des réalités internationales. Pour le journaliste indépendant Martin Forgues, « les médias doivent offrir davantage d’informations internationales, mais le public doit aussi les réclamer ». Il y a également une responsabilité des ONG de communiquer davantage, d’aider les médias à relayer adéquatement l’information au grand public.
Jusqu’au 12 novembre, des panels, kiosques, expositions, ainsi que des conférences et des discussions se dérouleront à Montréal et dans onze autres régions du Québec autour de cette problématique.