Le 22 novembre, le groupe de travail du prévôt sur l’éducation autochtone a effectué leur première session de consultation. Officiellement lancé lors de la semaine Indigenous Awareness en septembre 2016 suite à des années de travail de la part d’étudiants autochtones et leurs alliés, le groupe de travail est mené par trois co-Présidents : Paige Isaac, coordinatrice de la Maison des peuples autochtones à McGill, Hudson Meadwell, doyen du département des Sciences politiques et Angela Campbell, assistante-prévôt dans le domaine de l’apprentissage et la vie étudiante.
À peu près 60 personnes ont assisté à la session consultative, qui a débuté avec quelques mots de la part de Kenneth Deer, Secrétaire de la nation Mohawk de Kahnawake et professeur à McGill. Adoptant un ton révérencieux, Deer a parlé des différents domaines de la biodiversité : les animaux terrestres et marins, les plantes et la terre qui les nourrit, le soleil, la lune et les étoiles.
Par la suite, Isaac expliqua l’objectif du groupe de travail : « Nous allons publier des recommandations concernant le rôle que McGill peut et devrait jouer, en répondant aux appels à l’action de la Commission sur la vérité et la réconciliation. Cela comprend des initiatives et des stratégies concrètes, afin d’ancrer l’autochtonie dans la vie et les activités de l’Université, et d’augmenter la présence et le succès des étudiants et des employés autochtones. »
Dans le cadre de leur recherche et leur consultation, le groupe de travail publiera des recommandations préliminaires en janvier 2017, suivie d’un rapport final en juin. En théorie, leurs idées seront intégrées dans le plan stratégique du prévôt, et mises en pratique lors des années à venir. Selon le prévôt lui-même, Christopher Manfredi, l’autochtonisation du campus est officiellement une priorité budgétaire, avec des fonds octroyés pour accomplir les buts du groupe de travail.
« Je pense que la communauté a identifié ceci comme étant une priorité » a expliqué Manfredi lors d’une entrevue avec Le Délit. « On a une responsabilité, on a une opportunité, et c’est la bonne chose à faire pour McGill. »
Par contre, Manfredi avoue qu’il y aura des défis considérables à surmonter : « Identifier les étudiants qui veulent venir à McGill, faire en sorte que McGill soit un environnement accueillant pour les étudiants autochtones (…), s’assurer d’avoir les bons systèmes de support en place (…), recruter et retenir les professeurs autochtones (…), je pense que ce sont là quelques-uns des défis, explique-t-il. Je pense que les plus grands défis concerneront les questions de curriculums, qui sont extrêmement décentralisés : ils dépendent largement des professeurs individuels. »
En effet, il parait que l’administration de McGill a peu d’autorité en ce qui concerne le matériel enseigné en salle de classe. Par exemple, il est pratiquement impossible d’obliger chaque professeur à intégrer dans leur curriculum un minimum de matériel traitant des enjeux autochtones.
« C’est une question très délicate, car c’est lié à toutes sortes de questions sur la liberté académique, explique Manfredi. Donc je crois qu’il s’agit de persuader les professeurs d’appuyer nos efforts en matière d’autochtonisation, (…) et de les convaincre qu’il s’agit d’une bonne initiative. »
Lors de cette première session consultative, les personnes présentes ont été invitées à faire part de leurs suggestions sur six thèmes : le recrutement et la rétention des étudiants autochtones, les programmes académiques, la représentation physique et la reconnaissance symbolique, la recherche, les ressources humaines, et, finalement, « qu’est-ce qui manque ? ». Circulant autour de la salle Lev Bukhman, entre six stations correspondant à ces thèmes, les gens partagèrent leurs expériences et leurs idées avec enthousiasme. Un thème du « modèle de l’Ouest » revenait souvent. Il s’agit de la façon exemplaire dont plusieurs universités dans l’ouest canadien — notamment l’Université Victoria et l’Université de la Colombie-Britannique — ont intégré les cultures, les identités, et les connaissances autochtones sur leurs campus. L’idée de créer des liens plus étroits entre McGill et Kahnawake afin de faciliter l’éducation des jeunes des deux communautés avait aussi un certain succès.
Selon Isaac, ce fut une conversation productive, mais nécessairement limitée par les paramètres de l’autochtonisation. Lors d’un entretient avec Le Délit, a discuté de la différence entre ce concept et celui de la décolonisation. Selon elle, l’autochtonisation consisterait en l’intégration de la présence et la connaissance des personnes autochtones dans le quotidien de McGill, tandis que la décolonisation serait un changement beaucoup plus profond dans le structure et le fonctionnement de l’Université. Il s’agit, par exemple, « d’apprendre à travers le **storytelling**», ou « d’amener une classe ».
« Je crois que finalement, la décolonisation (…) consisterait à regarder les choses d’une perspective autochtone,» dit Isaac. « Je crois que c’est dur d’avoir cette conversation en milieu universitaire, car l’université est une structure tellement coloniale, donc je crois que pour beaucoup d’universités, l’autochtonisation semble plus facile [que la décolonisation], ainsi que plus pratique. »
« Finalement ce n’est qu’un début, dit-elle. Ce sera un processus et un engagement à long terme. Mais je suis certainement optimiste. »