« À partir d’aujourd’hui et ce pour quatre ans, il nous faudra quotidiennement combattre…» Sur ces mots d’un réalisme cru, Eamon Toohey, coordinateur du Résistons à Trump, des centaines de personnes se sont rassemblées dans le centre-ville de Montréal. Des heurts ont éclaté dans la soirée avec les forces de l’ordre.
Il était 18h vendredi dernier, jour de l’inauguration du 45ème président des États-Unis d’Amérique, Donald Trump. Une centaine de personnes ont répondu présent au rendez-vous donné au square Phillips par le Collectif de Résistance Antiraciste de Montréal (CRAM), pour mobiliser les consciences.
Menés par des leaders syndicaux et politiques sous la bannière de « Make racists afraid again » (Faire à nouveau peur aux racistes, ndlr.), citoyens américains, québécois, ou autres, engagés ou non, se sont mobilisés. De tous, les jeunes étudiants américains sont les plus désabusés. « Fasciste », « raciste », au-delà de simples mots et menaces écrits sur les banderoles, le mot d’ordre que voulait faire circuler les meneurs du mouvement demeure : rester vigilant, et cela pendant les quatre années à venir. Le constat est sombre quant à l’avenir du système politique américain, jugé par certains comme dépassé, d’où les slogans poussant à l’insoumission et à la désobéissance. On pouvait lire des évocations tacites à la révolution parmi les slogans des plus engagés, socialistes ou anarchistes.
La présence d’un groupe Black Bloc est remarquée, visages cagoulés, bombes de peinture à la main
Discours anti-fasciste
Notons que la marée humaine était assez hétéroclite, et que de nombreux Québécois ont fait le déplacement en solidarité avec leurs voisins, tout en soulignant que cet appel à la vigilance et à l’insubordination devait être pris au sérieux à Montréal : « Le Québec, et le Canada en général, sont extrêmement dépendants vis-à-vis de leurs relations commerciales avec les États-Unis » nous rappelait Shereen Elaide, 22 ans, étudiante à McGill d’origine américano-canadienne et tenant une affiche dépeignant une caricature du nouveau président. Était aussi présent sur les lieux un groupe anarchiste Black Bloc, ses membres reconnaissables à leurs masques noirs, et ont fait monter la tension d’un cran en taggant des slogans anarchistes dès le début de la manifestation. Certains manifestants partageaient un message alarmiste sur l’état actuel des politiques considérées d’extrême-droite, tout en soutenant que la population devrait être plus alerte. « Il y a un an encore, Américains comme Canadiens, personne n’envisageait sérieusement [voir un jour] Trump s’assoir dans le Bureau ovale… Aujourd’hui, il y siège les mains libres, à la tête d’un gouvernement de militaires et de chef d’entreprises rétrogrades » avertit Nicole LeBlanc. Ces manifestants voulaient susciter l’interrogation des consciences tout en prônant un message d’amour dans lequel tous peuvent se retrouver.
Débordements et affrontements
Le mouvement s’est mis en marche vers 19h, encadré par une trentaine de policiers, et a pu défiler accompagné des cris enflammés d’une centaine de voix qui s’étrillaient sur les slogans de « À bas le fascisme » ou « À nous la rue ». La colère confinée par les clameurs et le bruit de la foule a soudainement explosé en direction de la sécurité encadrant le cortège. On notera le lancer de projectiles sur la devanture d’un commissariat ainsi que les magasins attenants ainsi que l’intervention de véhicules anti-émeutes pour mettre un terme aux débordements. La réponse ferme des forces de l’ordre face aux débordements a permis le rétablissement d’un calme relatif, le Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM) n’ayant, pour le moment, émis aucun commentaires quant à de possibles arrestations.