Lorsqu’il s’agit d’affirmer une identité nationale, les divisions linguistiques peuvent causer problème. Nous en avons l’exemple concret entre le Québec et le Canada anglophone. Cependant, si le gouvernement canadien est toujours resté prudent face à cette question, au Cameroun, les mesures gouvernementales sont plus radicales. En effet, l’État camerounais a coupé l’accès à internet dans les régions anglophone du pays.
Un peu d’histoire
Pour comprendre comment le pays en est arrivé là, il faut remonter le temps. Nous sommes en 1918. À cause de la situation désolante du Cameroun, la Société des Nations (SDN, ndlr) retire les droits coloniaux de l’Allemagne sur le Cameroun, et va donc confier la partie orientale du pays (la plus grande) aux Français et la zone occidentale aux Britanniques, qui ont tous deux un important empire colonial sur le continent africain. Il est important de signaler que les deux pays avaient différentes approches des règles coloniales, ce qui creusait déjà un fossé. En 1960, la partie française gagne l’indépendance, mais la réunification avec la partie anglaise se fait dans la violence. Certaines régions du Cameroun britannique choisissent néanmoins de s’unifier avec le reste du pays, qui devient un État fédéral. Très vite, le pays évolue vers un État centralisé, ce qui a d’autant plus marginalisé les minorités anglophones. Le pays est donc divisé en dix régions semi-autonomes, et huit d’entre elles sont francophones. Depuis 1982, le pays est dirigé par Paul Biya, ayant reçu une éducation française et donc francophone.
l’État met un voile sur ces faits
Expliquer la situation
Qu’est-ce qui a poussé le gouvernement à prendre des mesures aussi drastiques ? Depuis plusieurs mois, des grèves d’enseignants et d’avocats anglophones ont lieu dans les régions anglophones, et le gouvernement, en guise de réponse, leur a coupé l’accès à internet. Quelles étaient les raisons de ces manifestations, qui prenaient parfois une tournure violente ? Les populations anglophones estiment être mal représentées d’autant plus que la plupart des communications se font dans la langue de Molière, dans un pays où le français et l’anglais sont considérés comme des langues officielles. Ces mouvements de protestation ont conduit à la remise en question de l’État sous sa forme actuelle. Des étudiants ayant pris part à ces manifestations ont utilisé internet pour publier des témoignages sous forme de vidéos, y montrant les violences policières à l’Université Buéa, située en zone anglophone. Seulement l’État met un voile sur ces faits, en affirmant que tout va bien partout au pays, et censure l’accès internet pour empêcher la propagation de ces vidéos.
Une réponse massive
Malgré le fait que le gouvernement camerounais souhaitât que ce problème reste d’ordre national, les vidéos avaient déjà circulé, et la coupure internet n’est pas passée inaperçue. Edward Snowden par exemple, n’a pas hésité à partager des informations sur les raisons de cette coupure internet, dans le but de dénoncer la répression au Cameroun, en la médiatisant. Là où les camerounais anglophones font face à un obstacle, Snowden le franchit pour eux.
Cela sera-t-il suffisant pour retourner la situation ? Rappelons que l’héritage du pays est marqué par ce fossé entre les anglophones et francophones, et que la vraie réunification nécessitera plus qu’une simple signature d’un traité.