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Quand la jeunesse joint les deux bouts

Entretien avec Neha Rahman : membre du Conseil jeunesse du gouvernement fédéral.

Vittorio Pessin | Le Délit

Le Conseil jeunesse est un groupe d’étudiants qui ont pour objectif d’apporter une perspective « jeune » au gouvernement fédéral. Venus de partout au Canada, ils consultent leurs communautés respectives, puis font des propositions à l’exécutif d’Ottawa lors de rencontres périodiques avec Justin Trudeau et ses ministres.

Le Délit (LD): Qu’est-ce-que le Conseil jeunesse du premier ministre ? 

Neha Rahman (NR): Nous sommes un groupe de 26 personnes, toutes âgées d’entre 16 et 24 ans. On vient de partout dans le Canada. On a un mandat de deux ans pour fournir des suggestions en matière de politique aux ministres. Notre boulot, c’est d’aller dans nos communautés, interagir avec les gens, leur parler, leur poser des questions, faire des propositions. Après, on revient avec toute cette recherche, et on essaye d’orienter les politiques fédérales dans le sens qui nous semble être le bon.

LD : Du coup, vous connaissez Justin Trudeau personnellement ?

NR : Je l’ai rencontré à l’occasion, oui. (rires.) Il est très gentil, et vraiment très à l’écoute. Lui et ses ministres prennent vraiment du temps pour nous parler, et conversent avec nous d’égal à égal. 

LD : Pouvez-vous nous parler un peu de votre parcours ? Comment en êtes-vous arrivé là ? 

NR : Je viens de Toronto. Je suis arrivée ici du Bangladesh à l’âge de trois ans. Je suis une passionnée de féminisme, de justice sociale et de journalisme. Au lycée, je faisais tout en même temps, c’était un peu éreintant. J’étais présidente de plusieurs associations, j’écrivais pour des journaux… et j’essaie de faire la même chose ici à McGill. Je travaille pour Leacocks (un magasine d’art et culture mcgillois, ndlr), je prends cinq cours, je travaille… j’aime être occupée. 

LD : Précisément, que fais-tu à McGill ?

NR : Alors, c’est ma première année ici, je suis en histoire et études classiques. Je prends cinq cours en ce moment, tous au sein de mon département. 

Le plus gros de mon temps est occupé par le magazine Leacocks, pour lequel je suis rédactrice en chef. J’organise des rencontres avec les autres participants, j’essaie de trouver des contributeurs, je dirige des sondages… nous sommes une très petite équipe, et donc on doit vraiment bosser beaucoup pour réussir à publier une fois par mois.

Du coup, on peut dire que sur le campus, je suis principalement en train de courir de partout (rires).

LD : Quel est le plus gros défi pour le Canada aujourd’hui ?

NR : Je pense qu’il est multiple en fait. Pour ma part, mes expériences personnelles m’ont poussée vers des questions bien spécifiques qui touchent au féminisme, à l’antiracisme, etc.… 

Mais le Canada n’est pas homogène, et doit avoir une conversation nationale, qui inclut tout le monde. Le plus gros défi du Canada dépend de la personne à qui vous parlez. D’ailleurs, c’est peut-être en soi un des plus gros défis : comment faire pour que toutes ces personnes qui vivent, qui parlent, qui pensent différemment, s’unissent et travaillent ensemble pour accomplir le projet que nous avons : faire du Canada un endroit meilleur pour tout le monde. 

LD : Vous parliez tout à l’heure de vos activités avant de faire partie du Conseil de la jeunesse. Quel est le pont entre l’activisme au niveau local et la gouvernance au niveau fédéral ?

NR : Quelque part, c’est nous le pont ! Les membres du Conseil de la jeunesse ne sont, pour moi, que des conduits qui lient le local et le fédéral. En revenant chez nous, en parlant aux gens, on recueille leurs pensées et leurs inquiétudes. Puis on ramène cette information au gouvernement. Le lien se fait à travers nous. 

LD : Récemment, Trump a apporté son soutien à l’oléoduc Keystone XL. Trudeau s’est présenté comme étant favorable à ce revirement de la politique américaine. Ce n’est pas sa position la plus populaire. Qu’en pensez-vous ?

NR : Je ne suis pas en position de parler à sa place. Cependant,  le Conseil de la jeunesse n’est pas partisan, nous avons des membres de partout sur le spectre politique. Personnellement, je me situe un peu à la gauche du gouvernement. 

Personnellement aussi, je ne suis pas en faveur des oléoducs, mais ça n’engage que moi. Évidemment, je n’avais pas mon mot à dire quand le gouvernement a pris cette décision. 

Mais je dois vous dire que j’ai appris des choses intéressantes en allant à Calgary récemment. C’est vraiment différent de ce que l‘on peut voir à Montréal ou à Toronto. Pour eux, la question des oléoducs est beaucoup plus viscérale : on parle de leur travail. Ça m’a vraiment donné une nouvelle perception de la chose. Ça ne m’a pas forcément fait changer d’avis, mais ça m’a présenté le débat sous un autre angle et l’a complexifié un peu. 

Trudeau, c’est une personne à la tête d’un pays qui, nous le disions avant, n’est pas homogène. Dès qu’il se prononce sur quelque chose, il y aura des déçus. C’est comme ça. 

En plus, il faut souligner que Trudeau n’a pas changé d’avis sur ce sujet. Ce n’est pas comme si nous l’avions élu en pensant qu’il ferait autre chose. Sa position a toujours été claire : en construisant ces pipelines, on ramène des emplois aux prairies canadiennes. Les énergies vertes restent son objectif au long terme, mais en attendant, il y a une réalité à confronter.

En plus, Trump prend ces décisions à coup de décrets, et n’écoute que ceux qui seront positivement affectés ; Trudeau travaille avec l’ensemble du gouvernement, notamment avec le ministère des Affaires autochtones. On ne peut vraiment pas comparer les deux processus. 


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