Ce n’était que quelques mois après l’arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche. En 2009, le président organisait une soirée de musique et de poésie. Parmi les personnes invitées à présenter un numéro se trouvait Lin Manuel-Miranda, un homme de théâtre connu pour la comédie musicale In Heights. Devant le président, il a affirmé être en train de travailler sur un album racontant la vie du premier secrétaire de la trésorerie Alexander Hamilton. Six ans plus tard, Hamilton est la comédie musicale la plus populaire de tous les temps.
Hamilton : de misère à richesse
Né dans les Indes britanniques, Alexander Hamilton devient orphelin. Après avoir travaillé dans une compagnie de commerce, il s’enrôle dans l’armée pendant la révolution américaine. Arrivé sur le continent, il devient rapidement un conseiller de George Washington. Il grimpe les échelons, et devient le premier secrétaire de la trésorerie de l’Histoire américaine. Grand défenseur de l’assistance du fédéral aux provinces, surtout en termes de dette, il se retrouve également au centre d’une controverse. Alors qu’il est âgé de 34 ans, il fréquente Maria Reynolds, 23 ans, femme d’un dénommé James Reynolds. Ce dernier est au courant, et garde le silence en échange d’argent. Puis, Hamilton connaît sa fin en 1804, alors qu’il est assassiné dans un duel avec le vice-président de l’époque, Aaron Burr.
Hamilton est une comédie musicale atypique. Contrairement aux Misérables et Wicked de ce monde, la quasi-totalité de l’oeuvre est un rap. À travers la plume de Lin-Manuel Miranda, dont les vers sont interprétés par une distribution absolument fantastique, on nous présente Hamilton sous tous ses angles. Érudit, révolutionnaire, politicien, tout y est. Les autres personnages vivent également une évolution notoire. De la détérioration du mariage d’Hamilton avec Angelica Schuyler à la démission de George Washington, en passant par les furieux débats du cabinet américain sur la dette des états, on nous présente très bien le contexte de l’époque.
Toujours d’actualité
Cependant, ce qui fait la plus grande force d’Hamilton, c’est que même si l’intrigue se déroule dans un contexte post-révolution américaine, le commentaire sociopolitique que fait Miranda est toujours d’actualité. Dans les vers qu’il a écrits, Miranda aborde le féminisme, l’intégrité politique et les questions identitaires. Par exemple, dans la chanson The Schuyler Sisters, les soeurs font référence à une des lignes de la déclaration d’indépendance :
« We hold these truths to be self-evident
That all men are created equal.»
« Nous tenons pour évidentes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux »
En réponse à cette inscription, le personnage d’Angelica s’empresse de critiquer l’emploi du masculin men seul en disant :
« And when I meet Thomas Jefferson
I’mma compel him to include women in the sequel.»
« Et quand je rencontrerai Thomas Jefferson,
Je l’obligerai à inclure les femmes dans la suite »
Cet exemple n’est qu’un parmi tant d’autres. On peut notamment souligner une chanson entière dans laquelle George Washington explique la responsabilité qu’a un politicien de savoir quand céder sa place. Après la popularité de l’oeuvre, Miranda a lancé un album intitulé The Hamilton Mixtape, sur lequel se trouvent plusieurs rappeurs très connus. Notamment, la chanson Immigants (We Get the Job Done), est un hommage aux contributions des immigrants aux États-Unis. L’auteur écrit :
« It’s really astonishing that in a country founded by immigrants,
« immigrant » has somehow become a bad word.»
« C’est vraiment stupéfiant que dans un pays fondé par des immigrants,
“immigrants” soit devenu un mot péjoratif »
Dans le contexte actuel, alors que le nouveau locataire de la Maison Blanche cherche à restreindre l’arrivée d’immigrants, les textes de Miranda résonnent. Intrigante, entraînante et provoquante, Hamilton reste l’exemple parfait de la comédie musicale du 21e siècle.