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De sa plus belle encre

Rencontre avec Dave Z. James, tatoueur et producteur du festival Ink’n’Road.

Mahaut Engérant | Le Délit

Le Délit (LD): Est-ce que vous pourriez vous présenter brièvement ?

Dave  Z. James (DJ): Bah c’est pas compliqué, je suis maître tatoueur, cela fait 25 ans que je pratique l’art du tatouage. J’ai pas mal bourlingué dans ma vie,  j’ai voyagé dans une cinquantaine de pays grâce au tatouage ! Je suis aussi propriétaire d’Encre Sacrée qui est un collectif d’artistes du Québec, on a deux studio pour le moment et nous en ouvrirons sûrement deux autres dans le courant de l’année. Et en même temps je produis : je suis producteur de deux shows, Le Ink’n’Road et maintenant cette année du Montreal Ink.

LD : Comment est né le festival Ink’n’Road ?

DJ : Ce festival est né après des années de réflexion. En fait le concept du festival ce n’est pas un concept que nous avons inventé, c’est un concept qui est repris d’un festival américain qui a eu lieu pendant dix ans qui s’appelait le Ink-N-Iron aux États-Unis qui marchait très très bien et au Québec c’était le moment, dix ans plus tard, de faire quelque chose comme ça. Ça a été un super bon succès : on a eu 6 000 personnes la première année et cette année on en attend 15 000. Ce n’est pas juste une convention de tatouage c’est vraiment un festival de Custom Culture donc ça regroupe vraiment tout ce qui est la customisation en général c’est-à-dire autant sur les bikes que sur les autos que sur le corps. Là on a 200 artistes tatoueurs prévus et on aura à peu près cette année 400 exposants de tous bords et en plus de la musique. On essaie de montrer quelque chose qui a vraiment de la gueule et qui va rester au long des années. 

LD : Est ce que vous pensez qu’aujourd’hui c’est important de donner une visibilité à cette scène culturelle ?

DJ : Oui bien sûr, parce que en plus on est chanceux au Québec d’avoir des artistes de folie ! Que cela soit dans le lettering, dans la customisation de chars, de bikes etc. On a des gens qui sont connus mondialement donc nous notre but c’était de les mettre en valeur !

On essaie de montrer quelque chose qui a vraiment de la gueule et qui va rester au long des années.

LD : Votre passion du tatouage est venue comment ?

DJ : J’ai découvert le tatouage quand j’étais jeune. Je devais avoir cinq ans à peu près, mes parents avaient un bar en France et juste à côté il y avait un studio de tattoo et du coup je suis tombé dedans quand j’étais tout petit. C’est quelque chose qui pour moi est plus qu’un métier, c’est une passion carrément ! 

LD : Qu’est ce que vous pouvez nous dire à propos de la culture du tatouage à Montréal ? 

DJ : Montréal c’est une des villes d’Amérique du Nord où le tatouage a explosé depuis des années. On avait déjà des shops de tattoo à Montréal dans les années cinquante. C’est une ville qui a toujours été très ouverte là-dessus depuis l’époque des marins et des militaires ! Ça continue comme ça depuis des décennies et à mon avis ça continuera encore parce que cela fait vraiment partie de la culture des montréalais !

LD : Il y a de plus en plus de gens qui se tatouent : la dernière fois les chiffres en France disaient que plus de 50 % des personnes voulaient se faire tatouer et un peu moins l’étaient. Que pensez-vous de cet engouement ?

DJ : À mon avis c’est vraiment le côté artistique qui a crée cet engouement là, quand les femmes sont rentrées dans le monde du tattoo ça a aussi été un réel tournant parce qu’avant ça le tatouage était vraiment réservé aux hommes. Puis avec l’évolution du matériel et des artistes maintenant c’est rendu à un art et plus seulement de la décoration corporelle.

Je militerais toute ma carrière pour que les tatoueurs soient reconnus en tant qu’artistes.

LD : Et donc pour vous aujourd’hui le tatouage est considéré comme un art ? Parce que je sais qu’il y a encore beaucoup de réticence dans les milieux culturels à accepter le fait que le tatouage puisse être un art.

DJ : Pour moi c’est le dixième art, c’est mon avis personnel et je militerais toute ma carrière pour ça, parce que je veux que les tatoueurs soient reconnus en tant qu’artistes. Quand tu crée quelque chose de toute pièce c’est de l’art, que tu peignes sur une toile, une voiture, un immeuble ou sur un corps ça revient au même. C’est juste la technique qui est différente. 

LD : Et dans cette optique est ce que vous pensez que le tatouage doit être le résultat d’une réflexion ? 

DJ : Ça dépend de la personne qui le porte tu sais, il va y avoir des gens qui auront des coups de tête sur des choses et qui vont être capable de les garder pendant des années. Malheureusement, il y a aussi beaucoup de gens aussi qui font des tatouages sur des impulsions et qui ne les supportent pas après avec le temps. Maintenant après je pense que c’est vraiment une expérience personnelle avant tout ! Avec les clients on est jamais sûrs : est ce qu’ils vont tripper la dessus encore des années ou est ce que c’est juste éphémère, c’est dur à dire. Notre clientèle, on cherche beaucoup à l’orienter. On n’est pas juste là pour faire des tattoos. Si quelqu’un arrive et demande un tatouage à un endroit comme les mains ou le visage moi déjà personnellement je ne le fais pas parce que je trouve que c’est un suicide social. J’ai moi même la moitié de la face de tatouée et j’ai 25 ans de métier, j’ai attendu 25 ans pour le faire et même au jour d’aujourd’hui c’est dur à porter. 

Au Québec, on a des gens qui sont connus mondialement, notre but c’était de les mettre en valeur !

LD : Cela vous arrive donc de refuser certains projets ?

DJ : Oui bien sûr je refuse du monde tous les jours. Souvent c’est parce que le projet artistique nous intéresse moins donc là on oriente vers des artistes qui sont plus spécialisés, parfois c’est directement au sein de notre club ou alors ça se fait avec d’autres tatoueurs qu’on connaît. On va essayer d’orienter les gens par rapport à ce qu’ils veulent. Quelqu’un qui vient me voir et qui me demande du traditionnel polynésien je ne vais pas le lui faire parce que c’est un style de tatouage qui est hyper codifié donc à partir de là…Après tout ce qui est symboles racistes il ne faut même pas nous en parler, ce n’est pas quelque chose qui nous intéresse. D’un côté on essaie quand même d’être assez cool avec les gens parce que le but c’est de faire plaisir à la personne, c’est elle qui va porter le tatouage et vivre avec au final. Mais d’un autre côté c’est aussi notre devoir de parfois dire non. 

LD : Et du coup pour finir comment voyez vous l’évolution de Ink’n’Road ou encore du Montreal Ink ?

DJ : C’est sûr que nous, pour être franc, c’est des festivals qu’on met en place, on fait venir beaucoup de gens de l’étranger etc. On a vraiment envie de se mettre dans le circuit des conventions internationales et qu’ils soient reconnus à travers le monde c’est clair ! 


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