Depuis la rue, nous nous engouffrâmes dans la salle d’entrée. Derrière un verre trouble, un homme aux sourcils épais vendait, indifférent, les tickets d’entrée. « Si ça va pas, je veux sortir — Ne t’inquiète pas ça ira ». Ses mots ne suffisaient pas. J’étais nerveux. J’hésitais à payer, mais m’y résolut.
Il ouvrit la porte et je le suivis. Le calme des lumières et l’endroit m’apaisèrent bientôt. Le vendeur nous rejoignit depuis derrière sa cloison et posa deux serviettes, deux condoms. J’avais déjà lu et entendu parler de ces endroits : le vent de l’histoire m’embrassait. Devant un casier, nous nous dénudâmes et caressâmes du regard nos corps ganymèdes. Il m’emmena devant des douches et nous nous lavâmes rituellement. Il me guida au sauna : la chaleur et l’humidité se mêlèrent à sa bouche m’embrassant. Nos corps s’effleuraient et s’imprimaient, dégageaient la chaleur et la recevaient. Autour de nous, d’autres corps observaient et partageaient les effluves de notre étreinte. Je pris son sexe entre mes lèvres, le marquai de mon va et vient, remontai le long de son corps, m’arrêtai sur un, puis son autre cercle rosé, y glissai ma langue et enfin retrouvai la sienne. Sa main glissa le long de mon torse, puis jouait, touchait, imprimait son désir, sa faim. Autour de nous, les corps s’émouvaient, intrigués, stimulés. Bientôt, mon corps se confondit à la fièvre ambiante et j’éclatai, rejoint par mon partenaire. La semence s’unit à la sueur et toutes deux s’évaporèrent pour rejoindre l’humidité de la salle.
Nous revinrent aux douches, l’eau chassa ce qui restait de la scène. Ensemble, nous déambulâmes dans le complexe. Des hommes laissaient filer leurs mains sur nos corps le temps d’un passage. Un attroupement trahissait un autre ébat. Je passais, guidé encore par mon ami. Dans une salle, d’autres chairs s’éperonnaient sous les reflets blanchâtres d’une vidéo pornographique. Le cuir de la salle était aussi sanglant que les regards échangés. Nous revinrent près des douches, et nous enfoncèrent dans le bain, suivis par d’autres regards alléchés. Un signe nous interdisait de nous livrer l’un à l’autre, mais sous l’écran des bulles, des mains cherchaient et trouvaient. Bientôt encore, l’envie de la chair revint, et nous sortîmes du jacuzzi, passâmes les douches, ouvrîmes la porte du sauna. Nos corps se frappèrent à nouveau, serpentèrent, se séparèrent, se ré-empoignèrent, s’oublièrent dans la luxure.
Assis sur le bord du trottoir, j’attendais le taxi. Les cheveux mouillés, seul, j’avais quitté le sauna et mon ami. Le chauffeur échangea quelques mots amicaux, n’ayant aucune idée de ce qui venait de se passer — ce qui se passait, chaque jour, chaque nuit, derrière cette petite porte et des milliers, millions d’autres comme elle. Souriant du secret, je posais mes cheveux contre la fenêtre, et leur humidité me rappelait la compagnie de ces amants anonymes.