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Dans les coulisses de l’affaire Aird

Le Délit se penche sur les évènements ayant mené à la démission de David Aird.

Mahaut Engérant | Le Délit

La récente démission de David Aird n’aura provoqué que de prudentes réactions de la part de la gouvernance étudiante et de l’administration. Celui-ci a démissionné de son poste de vice-président aux Affaires externes à l’Association des étudiants en premier cycle de l’Université McGill (AÉUM) le mercredi 22 février au matin. La veille, le Community Disclosure Network (CDN, ou Réseau communautaire de divulgation en français, ndlr), avait publié un long communiqué dénonçant les violences sexuelles qui auraient été perpétrées par Aird et une réponse institutionnelle insuffisante ou difficile à susciter. Le CND, créé il y a plusieurs mois, se présente comme « un groupe de survivant·e·s et allié·e·s, qui se sont uni·e·s afin de prendre des mesures contre David Aird ». Le groupe, explique-t-il, est né du fait de l’absence de canaux de divulgation appropriés. Il aurait été difficile d’avertir l’AÉUM sans « contacter des membres exécutifs individuels », avoir des « relations pré-établies avec ceux au pouvoir au sein de l’AÉUM », ou se retrouver « incapable de protéger l’anonymat du/de la survivant·e ».

Le RCD explique avoir publié un appel aux témoignages sous la forme d’un formulaire lancé ce 9 février passé. Aird le découvrit peu de temps après et offrit alors de démissionner, mais le RCD, tenant à le tenir comme responsable de ses actions alléguées décida alors de publier ce communiqué. Aird démissionna officiellement le lendemain matin à 9h30, comme l’en atteste un communiqué de l’AÉUM publié le jour-même.

Responsabilité de l’AÉUM

Ce même communiqué affirme aussi que « plusieurs membres exécutifs de l’AÉUM avaient précédemment été mis au courant d’inquiétudes vis-à-vis de M. Aird », mais que « l’information reçue ne permettait pas d’action disciplinaire immédiate », ce qui n’empêcha pas des « mesures internes [d’être prises]». Que savaient les membres exécutifs, qui et quand ? Voilà l’interrogation centrale qui demeurera si les nombreuses allégations de violence sexuelle portée à l’encontre de David Aird sont avérées. Ben Ger, président de l’AÉUM, en savait assez pour conduire des « check-ins » réguliers avec David Aird.

Le CDN explique avoir « travaillé principalement avec le v.-p. aux Affaires universitaires », depuis janvier, qui a été d’« une aide incroyable durant ce processus », et n’être entré en contact direct avec Ben Ger que ce mercredi 22 février, une fois le communiqué du CDN publié. Toutefois, le CND note que « plusieurs divulgations ont été faites par des personnes frustrées du manque de réponse de la part du président après une divulgation [d’harcèlement, pas d’agression]».

Groupes militants

Au-delà du domaine de l’AÉUM, pour comprendre l’étendue de l’affaire, il convient de s’interroger sur l’engagement de David Aird au sein de nombreux groupes et associations, à titre personnel ou en tant que v.-p. aux Affaires externes.

David Aird est un militant de gauche convaincu. Très impliqué dans la vie étudiante, il a notamment été un membre actif des Jeunes néo-démocrates du Québec (JNDQ) ainsi que le groupe McGill Against Austerity ( McGill contre l’austérité, ndlr). Contacté par Le Délit,  McGill Against Austerity a expliqué que Aird aurait placé une militante dans une telle situation d’inconfort qu’elle cessât ses activités au sein du groupe. Ceci aurait, au final, mené les organisation à expulser Aird de leur sein.

JNDQ

Les JNDQ sont la branche des jeunes militant·e·s québécois·e·s du Nouveau parti démocratique (NPD). David, en tant qu’encarté du NPD, était donc membre des JNDQ depuis son inscription au parti. Sans être très présent dans l’organisation, il va néanmoins aux congrès annuels et rencontre des militant·e·s de l’organisation.

Le 28 octobre 2016, lors de l’un desdits congrès organisé dans la salle Marie-Madeleine du bâtiment de l’AÉUM, David se présente à la dernière minute contre un candidat fantôme. Il est élu avec une marge de deux voix au poste de v.-p. Politiques. Une des militantes interrogées par Le Délit affirme avoir partagé son « malaise » à voir Aird dans cette situation de pouvoir. Cette même source explique que « lors de sa première réunion, l’exécutif vote à l’unanimité une motion démettant David de ses fonctions d’exécutant. Le vote [est] entériné par le Conseil d’administration des JNDQ. Au terme de négociations avec le parti David démissionne de son poste et émet le désir de faire une forme de réparation ou d’excuses. Je n’ai jamais entendu parler de telles excuses, à ce jour ».

Le 30 octobre 2016, les JNDQ et la branche mcgillois du parti (NDP McGill) sont informées du caractère potentiellement questionnable des activités supposées de Aird. Plus tard, le parti fédéral sera aussi averti.

Ensuite, averties de l’existence du CDN, les JNDQ envoient un message le 22 février 2017. Le Délit se l’est procuré :

« Cette lettre a été écrite en consultation de celles ayant précédemment divulgué leurs expériences à notre équipe exécutive, mais en aucune façon ne prétend parler au nom des individus impliqués. Certains de ces individus ont décidé d’écrire leur propre témoignage en plus de cette lettre, mais ne veulent autrement pas être inclus dans ce processus. Nous écrivons simplement en soutien d’individus qui se sont déclarés d’eux-mêmes, et pour partager notre connaissance de l’inconfort et du sentiment d’insécurité causés par David, ce qui est amplifié lorsqu’il se retrouve dans une position de pouvoir. David a été élu v.-p. Politiques des JNDQ lors de notre congrès à Montréal en octobre 2016. Presque immédiatement après les élections, des membres des JNDQ nous ont exprimé en privé un sentiment d’inconfort du fait d’avoir David dans l’équipe exécutive. C’est alors que nous avons appris d’un membre, et puis de plusieurs, que David avait sexuellement harcelé plusieurs membres de notre groupe. Les membres qui se sont déclarées ne voulaient que David le sache, ni ne voulaient révéler à d’autres membres du parti les détails du harcèlement, et il fut décidé d’organiser une rencontre entre un des haut-placés du groupe, lui dire que de nombreuses personnes se sentaient mal à l’aise à cause de son harcèlement à leur encontre, et suggérer qu’il démissionne. Il le fit. Nous ne pouvons parler des détails du harcèlement et de l’abus auxquels ces femmes ont fait face, mais nous voulons insister sur le fait que David ne devrait pas être en position de pouvoir. Ses actions ont fait se sentir en insécurité d’innombrables femmes, et de nombreuses autres ont été abusées et blessées, tant émotionnellement que physiquement. Tout comme cette personne n’avait pas de place dans notre équipe exécutive, il n’a pas sa place dans l’équipe exécutive d’une association étudiante. Nous sommes solidaires de tous les individus ayant été blessés par David. Nous espérons que le Conseil reconnaisse le témoignage qu’il reçoit et rende justice en requérant la démission de David. »

Plus d’informations sont à venir.

McGill contre l’austérité

Le Délit a aussi parlé avec l’organisation « McGill contre l’austérité ». Elle fut avertie de « violences sexuelles [supposément] commises par Aird » début novembre 2016. La survivante en question ne souhaitait pas avoir recours à des actions punitives, elle arrêta de participer aux réunions de l’organisation. Son avis changea quand MMA entendu parler des mesures qui s’organisaient contre Aird. À ce moment, la survivante décida de s’impliquer dans le processus.

MAA commença à essayer de trouver une voie pour agir contre David et l’enlever de sa position professionnelle à l’AÉUM. L’organisation explique avoir été incapable d’effectuer un telle action, sans dévoiler l’identité de la survivante. Devant ce fait, MAA a décidé de se distancer de l’AÉUM, et ainsi de David, parlant d’une différence en termes d’idéologie politique.

Peu de temps après les vacances de Noël, deux militants de l’organisation sont allés parler avec en personne avec Aird, pour lui dire que sa présence au sein de la MAA n’était plus souhaitée, pour cause de « violences sexuées et genrées ». Depuis lors, plusieurs militants de l’organisation ont averti le CDN du comportement de David Aird.

 

Vous pouvez trouver des témoignages de survivantes ici.


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