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Allégations contre David Aird : témoignages de survivantes

Le Délit s’est entretenu avec plusieurs survivantes, voici ce que deux d’entre elles nous ont dit.

Mahaut Engérant

Après les révélations du Daily et la démission de David Aird de son poste de Vice-président aux Affaires externes à l’Association des Étudiants en premier cycle de l’Université McGill (AÉUM) suite à des allégations de violences sexuelles portées à son encontre, Le Délit a contacté de nombreuses survivantes. Voici leurs histoires telles qu’elles nous ont été livrées. À la demande des principales concernées, les noms ont été modifiés, et tous détails pouvant compromettre l’identité des survivantes ont été supprimés. Il ne s’agit ici pas d’un recueil exhaustif des témoignages entendus par Le Délit.

Il est important de noter que Le Délit n’a pas pu confirmer la véracité de ces propos.

Adèle

Comme beaucoup de McGillois, David Aird utilise l’application Tinder pour rencontrer de potentielles partenaires. Ça a été le cas d’Adèle*, avec qui il a eu un match.

Après s’être rencontrés et avoir longtemps tourné autour des mêmes groupes étudiants, Aird se fait insistant, envoyant des messages tard le soir sur diverses applications de communication. Adèle est mal à l’aise : « chaque fois, je détourne la question » dit-elle. Mais Aird est reconnu dans le milieu étudiant qu’elle fréquente « on allait aux mêmes événements, on étudiait sur le même campus, on connaissait les mêmes jeunes dans la sphère [de notre intérêt commun]. Bref, je ne voulais pas me le mettre à dos. »

À force d’insister, Aird finit par décrocher un rendez-vous avec Adèle. Ils se mettent d’accord pour étudier ensemble, et finissent par se retrouver seuls dans une pièce. Malgré l’examen qui approche, Aird semble intéressé par autre chose. « Il ressent subitement le besoin de prendre une « pause ». Il commence à m’embrasser. Je l’embrasse aussi, mais je lui dis que je veux étudier […]. Il chigne, je lui répète, puis il obtempère. […] Le manège se répète. » Aird continue de mettre Adèle mal à l’aise, l’embrassant sans son accord, ou plaçant ses bras de part et d’autre de son corps « de façon à ce que sa liberté de mouvement soit restreinte ».

Adèle est formelle : « Il ne pouvait pas ignorer mon malaise. Je ne cessais de regarder à côté. Je ne souris plus. Je le poussais légèrement pour qu’il s’éloigne de moi. Bref, je lui opposais de la résistance. Lui, au contraire, semblait s’en amuser. Il me demandait toujours d’aller plus loin, mettant sa main sous mon chandail. »

Pour Adèle, c’est une dynamique de pouvoir qui la rend incapable de s’affirmer contre Aird : « Cet homme, en raison de son titre d’exécutant de la SSMU [AÉUM], était dans une situation de pouvoir par rapport à moi. Du moins, je l’ai perçu ainsi. Je ne voulais pas qu’il se fâche, alors je me taisais. » Dévoilant ses désirs, la domination revient comme un leitmotiv, de façon tellement imposante que peu de place est laissée au consentement et à l’épanouissement sexuel d’Adèle. Cette dernière précise bien : si le fait qu’il soit à l’AÉUM a été une circonstance aggravante, « son comportement aurait été tout aussi inacceptable s’il n’avait pas été exécutant. »

Ce penchant pour la domination de son partenaire n’est pas répréhensible tant que les sujets sont adultes et consentant. Mais Aird cherchait le consentement de manière coercitive. Adèle explique que d’abord il « proposait des activités sexuelles […]. Ensuite, devant mon refus ou ma réticence, il [insistait] sur l’importance du consentement pour lui. Il cherchait constamment à obtenir mon consentement verbal, en me reposant la question à répétition jusqu’à ce que je finisse par dire oui, ou simplement, « Je ne sais pas », sans chercher à déterminer si j’étais à l’aise [avec] la situation ».  Il s’est montré impulsif, et ne laissant pas Adèle exprimer ses besoins. Adèle explique « qu’il n’accordait qu’une importance à un consentement verbal, faisant fi du fait qu’il aurait pu s’agir d’un consentement vicié sous l’effet de la crainte. »

Après une longue communication téléphonique particulièrement graphique durant laquelle David prend visiblement plaisir à lui expliquer ses fantasmes en long et en large, Adèle s’est retrouvée en larmes auprès de sa mère, lui expliquant sa peur de se faire violer lors de leur prochaine rencontre. « C’était ça qui m’empêchait de dormir » explique-t-elle, « la peur du viol, d’un homme et de son désir violent envers mon corps muet de peur. »

Après ce dernier contact avec Aird, Adèle n’était pas à l’aise avec le fait de le voir dans l’association qu’elle fréquentait. Le 14 février, elle a contacté le Community Disclosure Network (Réseau de divulgation communautaire en français, ndlr).

Christine

Christine* a rencontré David Aird lors d’Activities Night ce semestre d’automne passé. David Aird l’ajoute alors sur Facebook. Étudiante en transfer provenant d’une autre université, Christine s’était déjà précédemment investie dans l’activisme étudiant. À McGill elle « évolue dans les mêmes sphères » que David Aird.

Christine et Aird se retrouvent ce semestre d’automne dans un même cours. Le 1er novembre, Christine se rend chez Aird pour y travailler sur ce cours, un essai est dû le lendemain. « Je suis allée chez lui ne m’attendant pas à ce que quoi ce soit se passe » mais « il était clair qu’il n’avait pas vraiment l’intention de travailler.»

« Il m’a offert un verre. J’avais eu une putain de longue journée, bien sûr que je voulais un verre. Il m’a servi un verre. Il était chargé. Il m’a servi deux verres ce soir, et je n’ai aucune idée d’à quel point il les a chargés mais assez pour que j’ai une gueule de bois le lendemain.

Je me suis remise au travail. Je me souviens avoir pensé qu’il n’était d’aucune aide, qu’il n’avait fait aucun de ses readings et que ses pensées manquaient de nuance.

Il a commencé à caresser ma jambe, ce auquel je ne l’ai ni invité ni consenti. Je n’ai pas répondu à ce contact non sollicité. Je me souviens avoir pensé « Est-ce que c’est à quoi les hommes s’attendent » ? La non-réponse ?»

« Je me suis sentie coincée. Je savais qu’il occupait une position de pouvoir et d’autorité relative au sein des communautés dans lesquelles j’étais une nouvelle arrivante. Je ne savais pas comment le repousser sans compromettre ma capacité à m’engager dans ces communautés, et j’étais fâchée qu’il ne semblait pas avoir pris cela en considération. En plus, j’avais une vision ni sexuelle, ni romantique de lui.»

« Après un peu de discussion, Aird voulait parler, je voulais travailler, il m’a embrassé sans me demander mon consentement. Je l’ai un peu embrassé en retour, et me suis éloignée en énonçant en termes clairs que j’étais mal à l’aise avec les dynamiques de pouvoir en jeu. Je lui ai très clairement dit que j’avais ni envie de continuer à l’embrasser, ni envie d’avoir des relations sexuelles avec lui. Ni ce soir là, ni à un autre moment.

Plutôt qu’écouter mes préoccupations, il m’a demandé si je le trouvais séduisant. Je lui ai dit que là n’était pas la question.

J’acceptai de passer la nuit chez lui. On s’est mis au lit, habillés. J’ai accepté de le câliner, mais rendis très clair que je n’étais pas intéressée à avoir des relations sexuelles avec lui. Il se mit néanmoins à me tripoter. Aird savait que je ne voulais pas avoir de relations sexuelles avec lui, voyait que j’étais mal à l’aise, et a continué à me faire pression pour que je fasse des choses avec lui. Durant la nuit il m’a pénétrée avec un consentement forcé, m’a fessée sans consentement, s’est plaint de devoir me détacher, et m’a pénétré sans consentement ré-affirmé/continu. Je ne me souviens pas s’il a utilisé un préservatif les nombreuses fois qu’il m’a pénétrée, mais je sais, après avoir écouté les expériences d’autres femmes, qu’il a l’habitude de ne pas s’en servir.»

*À la demande de la survivante, ce prénom a été changé.

Vous pouvez trouver un résumé de la situation ici.


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