L’art a‑t-il sa place dans les hôpitaux ?
C’est le sujet de la discussion ayant eu lieu entre Alain Parent, Jonathan Meakins et Tamar Tem-beck ce jeudi 16 mars autour de l’exposition Passages. Chacun ayant une formation en médecine et en art ou architecture, les perspectives abordées touchaient surtout à l’aménagement de l’espace artistique au sein des hôpitaux, ainsi qu’à l’exploitation de ce dernier, et enfin le rôle qu’il joue auprès de ses occupant·e·s.
En effet, les centres hospitaliers ont beau être vus comme étant des endroits fréquentés par des patients venant recevoir des soins médicaux en tous genres, sont-ils les seuls à utiliser ces bâtiments ? Pourquoi l’art ne serait-il pas profitable à l’ensemble du personnel occupant les lieux ?
Entre médecin et patients
L’hôpital n’est pas seulement un lieu où des médicaments sont administrés, où la vie de gens est sauvée et où d’autres la perdent. L’hôpital est aussi un lieu rempli d’interactions humaines. C’est ce que Alain Parent a voulu montrer dans son exposition qui représente 48 semaines dans le quotidien des médecins. Adoptant le point de vue de l’un d’eux, ses œuvres restent très protocolaires : d’un côté 48 trajets journaliers, de l’autre 48 journées de notes sur des dossiers anonymes, ce qui reste très minimaliste, avec une esthétique très réglementée. La présentation finale de l’exposition suivant la présentation chronologique classique. Sauf que cette chronologie se perd dans chaque unité : impossible de connaître l’ordre des passages montrés par rapport au déroulement d’une journée. C’est ce qui permet à l’œuvre de sortir du médical institutionnel pour rentrer dans une dimension artistique intemporelle plus abstraite.
Une guérison artistique ?
En réponse à Passages, la discussion s’est portée sur la fonction de l’art dans les hôpitaux. Ce genre d’endroit n’étant pas un musée, comment déterminer quelles productions artistiques y exposer ? Impossible de déterminer une audience spécifique, puisque les affinités artistiques sont trop disparates chez le public concerné. Certains penseront que l’art abstrait n’a pas sa place le long des corridors lugubres. Est-ce justifiable ? Le but principal est d’en faire une distraction. Pas seulement pour les patients (principalement les patients ponctuels), mais aussi pour les infirmièr·e·s, et le personnel. Personne ne va à l’hôpital pour admirer de l’art, mais cela n’empêche pas de tenter de dynamiser l’expérience hospitalière.
Que retient-on de l’expérience ?
Il existe une différence entre l’art fait dans les hôpitaux et celui fait pour les hôpitaux. Alain Parent tente de brouiller cette frontière, en laissant des traces de médicaments, des restes d’une expérience personnelle vue sous la loupe d’un artiste. Ses œuvres sont intimement liées au médical, justifiables dans ces lieux car à la fois rassurantes et pertinent. Cela permet d’apporter une touche esthétique dans les hôpitaux, montrant les interactions humaines sous l’œil conceptuel médical. Passages pourrait dévoiler le quotidien de n’importe quelle personne au sein de n’importe quel hôpital : les gens vont et viennent, les mêmes gestes sont répétés, comme des procédures médicales calculées. L’art peut donc donner une nouvelle perspective sur l’environnement guérisseur qu’est l’hôpital, qui touche chacun d’une manière différente.