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Entrevue avec Christine Agathon-Burton, candidate aux législatives françaises

En cette période électorale, Le Délit est allé à la rencontre des candidat·e·s à la circonscription des français·e·s établi·e·s en Amérique du Nord. Pour ce troisième volet, nous avons parlé avec Christine Agathon-Burton, candidate de l’Union populaire républicaine (UPR).

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Le Délit : Est-ce-que vous pouvez vous présenter rapidement ?

Christine Agathon-Burton : Je suis née à Clichy en banlieue parisienne, je suis donc française d’origine mais je suis aussi américaine depuis 2003. Aujourd’hui j’habite à Washington, D.C. où je suis ingénieur dans le domaine aérospatiale. Cela fait plus de vingt ans que je suis en Amérique du nord. J’ai débuté en Californie chez un constructeur aéronautique et j’ai depuis déménagé sur la côte Est où j’ai rejoins une société aérospatiale.

J’ai fondé l’association de parents d’élèves du Lycée Rochambeau à Washington en 2009 lorsque l’école a imposé aux parents d’élèves une augmentation à deux chiffres des frais de scolarité. C’est à ce moment là que j’ai senti mon devoir de citoyenne m’appeler. À cette occasion, j’ai eu la possibilité d’être élue à la Fondation du Lycée Rochambeau qui est un organisme gestionnaire de droit privé américain. Par la même occasion, j’ai été administratrice de la FAPÉE (Fédération des associations de parents d’élèves des établissements d’enseignement français à l’étranger) qui regroupe toutes les associations de parents d’élèves des lycées français dans le monde.

J’ai donc une connaissance assez approfondie du fonctionnement de l’AEFE (Agence pour l’enseignement français à l’étranger, ndlr), et des soucis des parents d’élèves en général. L’éducation est vraiment une de mes priorités, et pas seulement au bénéfice des lycées Français à l’étranger.

 

LD : Quand est-ce-que vous avez adhéré à l’UPR ?

CAB : J’ai adhéré à l’UPR l’an dernier. C’était le moment où j’ai commencé à me renseigner sur l’élection présidentielle. Je n’avais pas alors l’idée de me présenter aux législatives.

Comme beaucoup des membres de l’UPR, j’ai découvert les conférences de François Asselineau sur internet. Elles permettent de comprendre beaucoup de choses par rapport aux événements récents, non seulement en France mais aussi dans le monde. Cet éclairage m’a interpelée. Pour la première fois, j’ai eu l’impression d’avoir en face de moi un politicien qui ne me prenait pas pour une imbécile et qui avait vraiment le soucis de l’intérêt général.

C’est ce qui m’a motivée pour joindre l’UPR alors que je n’aurais jamais eu l’idée d’adhérer à un parti politique avant.

 

LD : Pour vous, l’UPR ce n’est donc pas un parti comme les autres ? Quelle est la différence ?

CAB : Ce n’est pas du tout un parti comme les autres. J’ai par exemple fait la démarche d’aller [à la célébration des] dix ans [de l’UPR] le 25 mars dernier. J’y ai rencontré des gens de tous les milieux, de toutes les opinions politiques… ce sont des gens qui ont l’intérêt de la France à cœur.

Ils se rendent compte que nous sommes malheureusement soumis aux directives européennes. Ce sont des décisions qui sont prises par les personnes non-élues de la Commission de Bruxelles, et qui s’imposent à nous sans que l’on ait quoi que ce soit à dire. Il suffit de prendre comme exemple les Grandes Orientations de Politique Economique (GOPE, ndlr) pour se rendre compte du démantèlement de nos acquis sociaux et de notre modèle social français. C ‘est un grand pas en arrière. Je n’ai personnellement pas envie de laisser aux générations futures une France qui ne protège plus, une jungle livrée simplement au marché. Or c’est ce qu’imposent les traités européens.

 

LD : Quels sont les plus grand défis pour les expatriés ?

CAB : Pour être plus locale, je pense que la fonction première d’un député des Français de l’étranger est d’être proche de ses concitoyens sur leur lieu de vie. Je pense que le député doit être beaucoup plus présent qu’il ne l’a été par le passé. À l’UPR, le travail en équipe est très bien fait et notre président s’adresse régulièrement aux membres et aux sympathisants en direct par internet. Il est à l’écoute. Cela permet de rendre compte du travail accompli. Je pense que le député aurait vocation à travailler avec les concitoyens pour améliorer la communication.

 

LD : Pour vous donc, les Français de l’étranger sont aliénés par rapport à la direction politique ?

CAB : Oui, tout a fait.

Pour poursuivre sur votre question, un des défis des Français de l’étranger est l’accès à l’enseignement du français pour leurs enfants. Ici, les Lycées étant gérés par des Fondations, la France a une emprise limitée. Cependant, elle essaye de travailler avec les établissements pour maitriser les frais de scolarités ou développer les bourses. Toutefois, il faut mettre l’accent sur les structures alternatives. En la matière, il y a beaucoup à faire. On peut par exemple citer les programmes FLAM (Français LAngue Maternelle) ou les structures indépendantes qui mettent en place des programmes de qualité permettant de garder un lien avec la culture et la langue française.

Il y a également un partage des ressources à soutenir, non seulement en ce qui concerne les personnels enseignants mais aussi en matière d’infrastructures. En particulier, les locaux des lycées français pourraient être mis à disposition des écoles indépendantes moyennant compensation. La coopération avec les Alliances françaises est aussi à développer. Pour ce qui est des personnels enseignants, une aide doit être apportée pour le renouvellement de leur détachement. Enfin, des programmes de français doivent être implantés dans les écoles publiques locales pour répondre à la demande des familles francophones.

 

LD : Est-ce-que vous pouvez nous donner trois grands axes de votre programme ?

CAB : Il y a un soutient fort à apporter aux entrepreneurs, notamment dans les domaines de pointe qui se développent à toute allure ici. Il faut s’intéresser à la cyber sécurité. Il y a aussi les nanotechnologies en relation avec les sciences de la vie. Elon Musk [fondateur de SpaceX et Tesla, ndlr] nous parlait récemment d’interface homme-machine ce qui constitue non seulement des défis technologiques mais aussi de grandes questions éthiques. Nous, Français avons sur ces sujets largement notre mot à dire compte tenu de notre histoire et de nos compétences techniques.

Ensuite, il y a le développement durable. Quand on voit que l’Union européenne promeut la mondialisation et le commerce à tout va, on se demande où est la place des circuits courts dans cette politique. Avoir une vue un petit peu plus locale, plus humaine, et pas seulement orientée vers la maximisation du profit serait intéressant.

Enfin, j’aimerais développer un lien avec les Français sur place. Si j’étais élue, je ne serais pas en majorité du temps à l’Assemblée Nationale. Il y a des moments où il faut y être pour défendre des positions, notamment s’assurer de la constitutionnalité des projets du gouvernement, mais je pense qu’un député a un pouvoir et une position qui lui permettent de faire avancer les choses de manière concrète pour ses concitoyens sur place.

 

LD : Lors de sa candidature à la présidentielle, François Asselineau était connu pour ses prises de positions contre les États-Unis. Il présentait un monde où la France perdait son autonomie à la faveur des grandes puissances, notamment américaines. Est-ce-que vous n’avez pas l’impression d’être en territoire ennemi ?

CAB : Non, pas vraiment. La vision que nous avons à l’UPR c’est de respecter tout le monde : c’est justement de ne pas promouvoir une puissance hégémonique qui dominerait. Chaque pays a sa place, chacun doit être respecté, et il est très important de respecter le droit international. Cela me tient à cœur : quand on ne respecte plus le droit, c’est le début de la barbarie.

Les États-Unis sont un grand pays dont je suis d’ailleurs citoyenne. Je pense qu’il faut que chacun ait sa place dans le monde. François Asselineau ne s’est jamais prononcé contre les États-Unis ou le peuple américain, il a simplement soutenu le fait que chacun doit être respecté. C’est valable pour la France, pour les États-Unis ou n’importe quel autre pays du monde.

 

LD : Vous prônez le « Frexit ». Vous connaissez sûrement les critiques qui circulent : entre isolationnisme, recrudescence des tension sur le continent Européen, et explosion de la dette privée, comment faire pour que la sortie de l’UE ne soit pas un fiasco total ?

CAB : On prend un peu exemple sur nos voisins britanniques qui sont en train de négocier leur sortie. Ça n’a pas été le cataclysme qui avait été annoncé par toutes les instances, y compris le FMI. Ce dernier a d’ailleurs dû, en catimini, rehausser ses prévisions de croissance seulement pour le Royaume-Uni. Il faut aussi voir que le Brexit génère des investissements importants en ce moment. Il y a par exemple l’ouverture de lignes de production qui sont des investissements sur 25 ans, Google qui s’installe. Il y a quand même des éléments qui prônent pour une sortie de l’Union européenne.

Je vous donne un exemple intéressant. J’ai un collègue de travail britannique qui a de la famille au Royaume-Uni. Lui-même avait voté pour le Brexit alors que sa famille votait pour « remain » [rester dans l’UE, ndlr]. Je discutais avec lui récemment et il m’a confié que sa famille était maintenant bien contente que le Brexit ait eu lieu. Il y a eu récemment un sondage qui montrait le revirement de la position des britanniques sur le Brexit. Ils s’aperçoivent qu’il y a énormément d’avantages à ne pas être soumis à des normes ou à des restrictions de pêche dans leurs propres eaux territoriales, venant de la Commission européenne.

 

LD : Mais vous savez que l’intégration à l’Union Européenne de la Grande Bretagne était moins aboutie que celle de la France. Ils n’avaient notamment pas l’euro et n’avaient donc pas eu à changer de monnaie nationale. Que pensez-vous de cette problématique en particulier ?

CAB : Il faut savoir que dans le droit international, il y a ce que l’on appelle la lex monetae qui prévoit que lors d’un changement de monnaie, la dette est libellée dans la nouvelle monnaie. Cela signifie que les 98% de la dette française [qui sont en droit français, ndlr] seront libellés en francs.

Du point de vue de la dette des français, il n’y a pas d’inquiétude à avoir.

 

LD : Donc ceux qui parlent d’une explosion de la dette privée et d’un écroulement des marchés ont une mauvaise compréhension de la loi ?

CAB : Absolument.

 

LD : Asselineau était souvent identifié comme le candidat de la théorie du complot. Qu’est-ce que cette étiquette vous inspire ?

CAB : Le système fait tout ce qu’il peut pour éviter que François Asselineau ne s’exprime sur des sujets importants. Le traiter de complotiste c’est la dernière ressource que les acteurs du système ont trouvée. Il faut passer là-dessus. Le complotisme c’est une manière d’essayer de le discréditer alors que lorsque l’on essaye de discuter avec lui, on s’aperçoit que personne ne réplique. C’est ce qui s’est produit lors du débat à onze par exemple.

 

LD : Dans votre programme, vous avez toute une partie sur réaffirmer les liens entre la France et les autres États francophones. Concrètement, qu’est-ce-que ça veut dire pour le Québec ?

CAB : Les liens sont déjà forts, mais il reste des choses à faire. D’un point de vue de la défense du français, les Québécois sont en première ligne.

D’un point de vue plus large, la francophonie c’est d’avoir une langue en commun. Quand on est à l’étranger et qu’on rencontre quelqu’un qui parle la même langue, cela créé des liens tout de suite. C’est quelque chose d’important, et c’est la manière dont la France doit rayonner. Cela doit être fait de manière pacifique : nous ne sommes plus au temps des colonies. Il y a une grande chance à saisir par l’intermédiaire de la francophonie pour établir des liens de coopération internationale. C’est valable pour les pays d’Afrique comme pour le Québec. C’est un lien à entretenir pour que chacun ait sa place, que la langue française comme la langue anglaise ait sa place. Je crois qu’un monde avec une seule langue et une seule façon de vivre serait effrayant.

 

LD : En regardant votre programme, on s’aperçoit qu’on a du mal à vous positionner sur un échiquier politique.

CAB : C’est bien ! Si j’ai décidé de me présenter aux législatives, c’est surtout pour essayer d’apporter quelque chose. Je n’ai ni un positionnement de gauche, ni un positionnement de droite. Si l’on regarde le rôle du député selon notre Constitution, c’est d’être représentant du peuple. On défend notamment la Nation, valeur de gauche et la liberté qui est plutôt une valeur de droite. Il n’y a pas selon moi de positionnement à avoir.

 

LD : Cette idée d’être « ni de gauche, ni de droite » est présente ailleurs. Est-ce-que vous seriez prêt à travailler avec Emmanuel Macron si son mouvement faisait appel à l’UPR ?

CAB : Je ne crois pas que ce sera possible. Monsieur Macron s’est fait élire par une minorité des Français. Il est là grâce au rejet de la droite à cause des « affaires » et au rejet de M. Hollande à cause de son bilan catastrophique. On s’aperçoit qu’il a été « lancé » comme un produit par les médias avec un bourrage de crâne 24 heures sur 24 pendant plus d’un an.

De là à soutenir une Europe fédérale comme il le fait… ce n’est pas possible. En étant députés UPR à l’Assemblée Nationale, nous nous tiendrons à la charte de l’UPR qui est de défendre l’intérêt des Français, la souveraineté de la nation, et de s’assurer de la constitutionnalité des projets du gouvernement.

Je considère la Constitution de la Vème République comme le document majeur qui permet d’assurer la cohésion de la France. Elle a une valeur d’autant plus importante face aux traités européens qui sont en vérité inconstitutionnels comme l’avait relevé Philippe Seguin lors de son discours contre le traité de Maastricht demandant au Parlement français de le rejeter.

 

LD : Donc, pas de coalition avec En Marche, mais est-ce-que vous imaginez que, à l’occasion, vous pourriez être en faveur d’un texte issu du gouvernement ?

CAB : Écoutez, j’ai regardé le programme d’Emmanuel Macron. Il y a des choses très générales où tout le monde est d’accord mais dès que l’on rentre un petit peu dans le détail, on s’aperçoit que ce sont les propositions de la Commission européenne et c’est le démantèlement des services publics.

Je n’ai pas d’a priori négatif. Je pars toujours avec une vision positive des choses. Mais quand on regarde en détail, je n’ai pas l’impression qu’il y ait beaucoup d’accords possibles.

 

LD : Est-ce que l’on peut vous demander pour qui vous avez voté au second tour ?

CAB : Je n’ai pas voté. Je ne pouvais pas choisir entre la peste et le choléra.

 

LD : Connaissez-vous bien Montréal ?

CAB : J’y suis passée il y a très longtemps, je connais plus les grands espaces que Montréal.

 

LD : Que pensez vous du gouvernement qu’Emmanuel Macron et son premier ministre Edouard Philippe ont annoncé ?

CAB : C’est un jeune gouvernement qui va durer un mois puisqu’il aura vocation à être renouvelé après les législatives.

Une chose qui m’a choquée c’est la nouvelle dénomination du ministère de la Défense. Il s’appelle maintenant le ministère des Armées. C’est un changement quelque peu belliciste. De plus, je crois que la nouvelle ministre a déclaré il y a quelque temps qu’elle ne se sentait pas vraiment Française. J’ai trouvé ça un petit peu fort. On est quand même l’héritage d’un certain passé. On a des parents, des grands-parents qui ont défendu un certain model social. On est un pays généreux. Mettre tout cela à la trappe pour une Union Européenne qui n’a absolument pas tenu ses promesses depuis des décennies, je trouve cela assez incroyable.

 

Les élections des français·e·s en Amérique du nord auront lieu les 3 et 17 juin 2017.


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