Mercredi dernier, le réseau social Snapchat a lancé une nouvelle mise à jour. Il s’agit de la Snap Map : une fonctionnalité qui permet de localiser ses amis ou toute personne ajoutée par le biais de l’application. Cette nouveauté est introduite par une vidéo exposant de manière enthousiaste les dits avantages de cette Map, à savoir trouver les évènements à proximité, savoir où sont/vont vos amis, même s’ils ne se trouvent pas dans la même ville que vous. Cependant, ce que la vidéo omet de mentionner est qu’à chaque fois que vous ouvrez l’application, celle-ci rend publique votre position exacte.
Fuis moi, je te suis
Intriguée et plutôt sceptique quant à la précision de la géolocalisation proposée par l’application, je me suis intéressée à effectuer plusieurs essais. D’abord, avec un ami qui habite à une distance plutôt raisonnable de chez moi, soit une dizaine de kilomètres. A l’aide de la SnapMap, j’ai pu le localiser au croisement de deux quartiers résidentiels, et ce, pour une bonne partie de la journée. J’ai pu également distinguer très clairement le nom des rues en question, et savoir avec une impressionnante netteté le numéro de l’habitation. Après cette petite enquête, j’ai demandé à cet ami s’il était bien resté pendant X temps à cette adresse. Déconcerté, il m’a répondu qu’effectivement, il avait bien passé l’après-midi chez un ami, et qu’il n’était pas sorti pendant quelques heures. L’application m’a permis également de voir qu’il avait écouté de la musique, et ce à plusieurs reprises. Je lui ai donc demandé confirmation, qu’il m’a donnée. Assez désemparé et interloqué face aux questions posées, et manifestement pas au courant de la dernière mise à jour de l’application, je me résous à lui expliquer comment marche la SnapMap, notamment comment celle-ci m’a permis de suivre ses allées et venues.
Autre test, cette fois-ci plus impressionant, ou inquiétant, dépendemment de comment vous percevez cet update ; quelques jours plus tard, j’entreprends la même démarche, mais avec une distance plus considérable : avec ma cousine, habitant de l’autre côté du Pacifique. Les résultats ont été tout aussi concluants : ma cousine avait passé l’après-midi en bordure de mer, et le degré de précision me laissait voir jusqu’au nom de la plage en question.
Entre nouveauté et continuité
Snapchat n’est pas la première application à avoir développé cette idée de tracking. Avant elle, Twitter a également fait l’objet de controverse quant à son système de géolocalisation de tweet, chose qui avait provoquée de vives réactions au sein de la tweetosphère. Facebook et Instagram, plus prudents sur la question, ont décidé d’opter pour un système de check in, qui permet à ses utilisateurs d’indiquer, s’ils le souhaitent, l’endroit où ils se situent. Il y a quatre mois, Messenger lançait quant à elle sa « Live Location », système offrant la possibilité de préciser votre localisation à vos contacts et de leur permettre de suivre votre parcours pendant une durée d’une heure.
SnapMap ou SnapTrack
Bien que cela puisse être pratique pour justifier un retard ou appuyer un motif d’absence, si l’on regarde la question d’une manière plus globale, nous pouvons rapidement nous rendre compte des dangers de ce genre de mises à jour.
Elles peuvent tout d’abord participer au sentiment d’exclusion au sein de groupes d’amis, phénomène assez difficile à vivre, notamment chez les plus jeunes. Voir que ses proches sont rassemblés autour d’une soirée à laquelle vous n’êtes pas convié, savoir où se trouve son ex partenaire en tout temps peu après une rupture, se sentir obligé de sortir parce que l’on se sent rabaissé d’être le seul à aimer rester se reposer sur son canapé : telles sont des sensations peu agréables.
Ajoutées au fait que des yeux mal intentionés pourraient se servir de cette géolocalisation, la mise à jour pose problème. Elle suscite l’inquiétude des parents, mais aussi de manière plus générale de la police, et de nombreux militants pour la jeunesse comme Childnet International, organisme de bienfaisance qui vise à rendre le Web un endroit sûr pour les jeunes. Au sujet de la SnapMap, l’organisation encourage à ne pas l’utiliser et « de rester très prudent parce que sa précision est telle que n’importe qui peut suivre vos moindres mouvements ».
Une solution ?
Pour les plus prudents, une solution est offerte. Ceux qui ne veulent pas disposer de cette mise à jour le peuvent et ainsi se mettre en « mode fantôme », rendant la localisation de l’utilisateur invisible aux yeux de ceux qui utilisent la SnapMap. Pour ce faire, il suffit d’ouvrir les Réglages et de cliquer sur l’option « Mode Fantôme » ou Ghost Mode.
Snapchat a tenu à rassurer ses abonnés en précisant que le data de la localisation disparaissait après une courte période. En effet, une localisation d’un utilisateur de la Map ne peut-être retenue que pour 8 heures d’affilée si celui-ci n’ouvre pas l’application au cours de cette période. Si 8 heures s’écoulent sans activité sur Snapchat de la part de l’utilisateur, sa géolocalisation disparait complètement de la carte.
Entre FYI et FBI
La frontière est fine entre le divertissement et la surveillance. Sur les réseaux sociaux on affiche nos opinions, on partage nos intérêts, on précise nos déplacements, autant d’informations sont offertes aux yeux de n’importe qui. Alors dans quel monde vit-on : celui de la surveillance des réseaux ou celui des réseaux de surveillance ?