Le 30 juin, une star comme on en fait rarement était de passage à Montréal. Devant un Centre Bell quasi-rempli, Robert Zimmerman, dit Bob Dylan, est venu chanter quelques chansons pour le public du Festival international de jazz, conquis d’avance.
Le billet indiquait un début de spectacle à 20h. Tant pis pour les retardataires, Dylan et son groupe ont commencé avec une précision militaire. Les huit coups de l’horloge n’avaient pas fini de retentir que déjà, les musiciens commençaient la première chanson.
De derrière son piano—dont il se détachera qu’à l’occasion pour se mettre au devant de la scène avec un micro—Bob Dylan a chanté des chansons puisées tant dans son large répertoire qu’ailleurs. Don’t think twice, it’s all right, Highway 61, ou Blowin’ in the wind, autant de piliers de la chanson folk américaine, côtoyaient des compositions plus récentes ainsi que de reprises de Sinatra.
Musicalement, Dylan sait s’entourer. À six sur scène, les musiciens ont fait une performance sans faute. Ils se connaissent, visiblement. Pas une parole, un regard de côté, pour les mélomanes : ils savent ce qu’ils doivent faire, quand, et comment. Le résultat est bluffant. On dirait un vinyle qui joue.
Dylan, lui, de haut ses 76 ans, n’est plus tout jeune. Pas d’acrobaties—ça n’a jamais été son style et puis ça risquerait de froisser son costard blanc—ni de guitare ou d’harmonica. Mise à part les cordes vocales, ses seules armes sur seine son les touches en ivoire. Sa voix, autrefois claire, s’est aggravée. Roque, il fait trembler la salle avec son ton de ténor. Et pourtant, il maîtrise son art : à la Tom Waits, son chant n’est pas obscurcie mais enrichie, à pris du corps, avec les années.
Malgré la qualité de la musique, un doute plane sur la salle durant tout le concert : serions-nous entrain de l’emmerder ? Est-ce-que Bob Dylan, qui n’en est plus à sa première tournée, en aurait marre ?
Dans la queue pour rentrer dans la salle, nous sommes informés du fait que nous ne pourrons pas prendre de photos, même sans flash. Pourquoi ? « Monsieur Dylan n’aime pas ça » s’explique la dame, sympathique par ailleurs, qui oriente la foule. Allons bon. Et comment Monsieur Dylan imagine-t-il que je vais nourrir ma story Snapchat ? Bref, passons. De toutes façons, à l’âge des smartphones, il en faudra plus pour nous empêcher d’immortaliser la scène : the times they are a‑changin’.
Mise à part cela, le chanteur a économisé sa salive pour ses chansons. Pas un mot ne lui a été décroché par la salle qui avait pourtant d’yeux que pour lui. Pas un « bonjour » en montant sur scène, pas une amitié entre les chansons, pas un « merci » à la fin. En guise d’au revoir, Dylan se place au milieu de la scène, avec ses musiciens, fixe le public… et part.
Vu le prix du billet—qui dépassait la centaine de dollars—on aurait pu espérer un accueil plus chaleureux et une mise en scène un peu plus travaillée. La scène, peu illuminée, n’était pas rediffusée sur un grand écran : tant pis pour ceux qui n’ont pas déboursé les gros billets et qui se sont donc retrouvés au fond.
Étudiants, étudiantes, vous qui avez de petits moyens, si l’envie vous prend de voir Dylan, peut-être feriez vous mieux de garder vos sous pour vous acheter un de ses disques, un bon truc à boire, et d’écouter ça tranquillement affalés sur votre canapé !