Cette année, le Canada a fêté ses 150 ans. Ou plutôt devrait-on dire que la Confédération Canadienne a fêté ses 150 ans, car c’est là quelque chose de totalement différent. Si le Canada et ses institutions gouvernementales tels que nous les connaissons ont bel et bien été fondés en 1867, le pays existait bien avant, peuplé par des peuples autochtones. Ce que nous avons fêté cette année, c’est donc l’anniversaire de la colonisation de ces populations par les Européens, qui ont apporté leurs institutions politiques tout en écrasant ces nations.
150 ans plus tard, un vent optimiste semble souffler sur ce qu’il reste de ces communautés autochtones. Plus que jamais, le gouvernement s’engage vers une réconciliation. Montréal intègre les Premières Nations dans son drapeau, Trudeau remanie ses ministères pour laisser plus de places aux affaires autochtones, la « loi sur les Indiens » est en passe d’être supprimée, le gouvernement s’engage à faire passer des lois promouvant les langues autochtones qui ont aujourd’hui tendance à s’éteindre. Il est donc normal de s’interroger face à ces agissements presque soudains : pourquoi maintenant ?
Réparer les pots cassés
La principale cause de ce changement de cap est liée au changement de gouvernement en 2015 : si les conservateurs d’Harper se tenaient loin de ces affaires, quitte à les ignorer, Trudeau et les libéraux y accordent quant à eux de l’importance. Dès sa campagne, l’actuel Premier Ministre avait fait de nombreuses promesses à ces populations, qu’il tente actuellement de maintenir.
Le gouvernement libéral a comme optique de donner aux Premières Nations une place à part entière au sein du Canada. Cependant, elles sont conscientes que rien ne pourra effacer l’ardoise des affronts qu’elles ont subi depuis le début de la Confédération. C’est pourquoi il est question ici d’un processus de réconciliation, qui est d’ailleurs loin d’être gagné.
Il faut donc faire en sorte que chacun puisse trouver sa part dans ces accords. Or, les autochtones, énormément déçus des précédents gouvernements qui ne respectaient pas toujours leurs promesses, attendent beaucoup de Justin Trudeau, et les défis qui se présentent à lui ne sont pas des moindres.
Les précédentes négligences n’ayant fait qu’aggraver la situation, le gouvernement se retrouve donc avec du pain sur la planche. Bien conscient que ses prédécesseurs aient pu commettre l’impardonnable, Trudeau a donc décidé de dédommager les autochtones, particulièrement par rapport aux rafles de 1960. La ministre des Relations avec les Autochtones a promis de débloquer 800 millions de dollars afin de régler les poursuites fédérales relatives aux enlèvements d’enfants autochtones placés dans des familles non-autochtones. Les victimes recevront des indemnisations pouvant aller jusqu’à 50 000$.
Cette réconciliation pourrait être bénéfique dans la mesure où il s’agit d’unir le Canada. Par ailleurs, les gouvernements provinciaux (surtout le Québec) s’engagent à faire en sorte de revitaliser les cultures autochtones, à travers les langues notamment, qui font partie de la richesse culturelle canadienne.
« Si les promesses sont là, les résultats ne le sont pas forcément »
Avancer main dans la main
Non seulement faut-il que la paix se fasse entre les nations, mais il faut également qu’elle se fasse sur un pied d’égalité, car les Autochtones ont longtemps été mis à l’écart. C’est pour cette raison que de gros investissement sont actuellement mis en place par le gouvernement dans les provinces. Par exemple, Trudeau a promis d’octroyer 19 millions de dollars dans les quatre prochaines années, destinés à la mise en place d’un programme sanitaire qui vise, entre autre, à diminuer les risques du diabète chez les autochtones dans le Manitoba.
Après ne s’en être tenu qu’à des belles paroles pendant de nombreuses années, le gouvernement s’est finalement décidé à agir. Mais cela ne signifie pas que tout se passe comme Ottawa le souhaite, car il existe de nombreuses contradictions entre les projets gouvernementaux et ceux des autochtones, qui souhaiteraient, par exemple, créer une administration indépendante. Malgré toute la bonne volonté de Trudeau, les mesures mises en place ne suffiraient pas à l’intégration de ces nations, qui se considèrent encore marginalisées. Quoi de plus normal que de remettre en question les velléités soudaines de réconciliation des anciens colons qui les ont opprimé pendant des siècles ?
Enfin, ce n’est sûrement pas par hasard que le gouvernement canadien ne se décide que maintenant à prendre des mesures pour amorcer une réconciliation avec ces peuples. Une indépendance serait trop compliquée à mettre en place, en termes institutionnels, compte tenu du fait que les populations autochtones sont éparpillées sur tout le territoire canadien. Ottawa aurait également beaucoup à perdre d’un tel acte, qui ternirait l’image du Canada à l’international.
Faux dialogue ?
Les Autochtones restent néanmoins sceptiques face aux décisions gouvernementales, principalement car ils se retrouvent mis à l’écart de nombreux projets d’envergure, tels que l’Oléoduc Énergie Est, désormais avorté, ou encore le site C en Colombie Britannique.
Ce projet barrage menace certains des sites historiques de ces peuples, qui pourraient disparaître sous l’eau. Par ailleurs, les Autochtones utilisent toujours ces lieux pour leurs activités traditionnelles. Il se pourrait également que le barrage fasse l’objet de l’enquête nationale sur les femmes et filles autochtones disparues et assassinées, notamment vis-à-vis du rôle de l’exploitation de ces ressources dans ces crimes. Cela donne un exemple du flagrant manque de communication entre les peuples et témoigne du chemin qu’ils ont à faire s’ils veulent réellement tourner la page.
Par ailleurs, si les promesses sont là, les résultats ne le sont pas forcément, ce qui accroît le doute des dirigeants autochtones face aux actions du gouvernement canadien. « On continue de parler d’une nécessaire réconciliation avec les peuples autochtones sans jamais avoir la certitude que les parties en cause s’entendent sur ce en quoi cette réconciliation consisterait », écrivait Chantal Hébert dans une chronique pour le magazine L’actualité. Pour que les peuples impliqués puissent avancer, il faudra faire preuve de persévérance et de transparence, ce qui est loin d’être gagné.